Vous le savez, je suis aux Etats-Unis et je m'adonne à mon passe-temps favori : chausser une paire de baskets, prendre mon appareil photo et déambuler dans les rues, le nez en l'air, m'imprégner de l'atmosphère, de l'ambiance, regarder les maisons, les gens, découvrir un coin caché et plein de charme, m'aventurer dans un autre...
C'est ce qui s'est passé hier... Et au détour d'une rue, le CHOC :
une colline, des petites maisons colorées... Sans trop savoir pourquoi, sans réfléchir, j'ai commencé à grimper les marches.
Les maisons, cachées dans la verdure, me parlaient comme si je les avais toujours connues.
Alors j'ai continué, et je suis arrivé dans un parc. Je me suis approché d'un petit panneau planté de travers :
Babylon Heights Park.
Des cris, des rires, des adolescents partout.Je me suis retourné, j'ai vu la ville moderne derrière moi,
Cette fois, mon coeur s'est emballé et je me suis mis à courir jusqu'à l'orée des arbres, et je n'ai plus eu le moindre doute :
J'en avais la certitude, j'étais devant Kildare Street.
J'ai dévalé la colline et me suis mis à arpenter les rues, explorer les chemins entre les maisons...
je croyais reconnaître les visages, et j'ai eu l'impression que nos héros se faufilaient dans ces raccourcis qu'Oscar connaît si bien,
qu'ils fuyaient mon regard, comme s'ils voulaient protéger leur existence (regardez ce visage derrière la fenêtre : et si c'était la vieille maman de Mr. Tin, le blanchisseur de Kildare Street ?) :
Je sentais bien que je n'étais pas l'auteur d'un livre, l'artisan d'un quartier que je croyais avoir créé : j'ai compris que nos héros avaient leur propre vie, maintenant, et que je devais respecter leur liberté, sans espionner, sans m'imposer. Alors j'ai continué à marcher, mais discrètement, observant chaque façade.
Je l'avoue : je voulais absolument découvrir la maison d'Oscar - est-ce que l'une d'elles correspondrait à l'idée que je m'en étais faite, à la maison que j'avais construite de toutes pièces dans ma tête ?
J'ai posé la question, mais je crois vraiment que ce quartier est une grande famille qui protège l'intimité de chacun, et on m'a baladé dans toutes les directions, m'affirmant que c'était celle-ci, puis non, celle-là, au bout du compte, on m'en a montré dix... En voici quelques unes :
Quelque chose me disait que ce ne pouvait pas être l'une d'elles : trop soignées, trop pimpantes, trop voyantes...
Alors que j'allais abandonner, je suis tombé en arrêt :
une petite barrière de guingois, un jardin à l'abandon, une maison de bois toute simple... J'ai poussé le portillon qui m'est presque resté dans les mains ; je sentais que c'était ici, mon coeur me le criait tout fort. Il ne manquait que des volets orange et Toinette devant le trottoir !
Une seule chose m'étonnait : elle semblait fraîchement remise en état - en tout cas, elle n'était pas en ruine. Un voisin a accepté de me dire qu'un jeune homme, les cheveux en bataille et plein d'énergie, était venu un jour pour réparer la toiture, sans que personne ne le sache... Quant au reste (peinture, arbres taillés, etc.), c'était une bande d'adolescents, des amis du fils de la maison, qui s'en était chargée.
Je me suis contenté de sourire, de prendre une photo, et je suis parti, le coeur un peu gros comme si je quittais un quartier qui avait été le mien, toute ma vie. Mais heureux.
SI vous avez la même certitude que moi, si vous imaginiez la maison des Pill comme je l'ai vue - ou si vous croyez que l'émotion m'a trompé -, dites-moi tout !