Eli Anderson

Oscar Pill - CEREBRA : Extrait 4

28/09/2012

 

Des cris étouffés montèrent de la foule, vite réprimés par les Pathologus en faction. L'un d'eux se précipita dans une des sections, fendit brutalement la masse humaine pétrifiée et bouscula un homme qui venait de prendre son enfant dans les bras pour enfouir le visage du petit dans son cou.

– Il doit regarder, récita le Pathologus.

– Laissez-le tranquille, répondit le père en serrant son fils contre lui un peu plus fort. Même pour nous, c'est insupportable.

Le Pathologus saisit l'enfant par les cheveux et l'obligea à relever la tête vers un écran.

– Ouvre les yeux, ordonna le Pathologus.

Le père le repoussa brutalement et la mère s'interposa.

– Il n'a même pas sept ans ! cria-t-elle. Il n'a pas besoin de voir ces horreurs.

Le Pathologus la frappa au visage de sa main gantée. La femme hurla de douleur et porta la main à sa joue ensanglantée. Lorsqu'elle la retira, un P entaillait profondément la peau. Le Pathologus ne laissa pas le temps au père de réagir : il braqua sur la tête du petit la lettre maléfique brodée sur son gant.

– Qu'il ouvre les yeux. Maintenant.

La mère se jeta sur lui en hurlant.

– Sois maudit ! Toi, ton Prince et tous les tiens !

Le Pathologus la repoussa violemment. Un flux rouge échappé de son gant enveloppa la femme qui s'effondra sur le béton. L'homme tomba à genoux devant le corps inanimé, sans lâcher son enfant. La foule répondit aux hurlements par d'autres cris, plus confus et stridents. Elle recula, poussa, ouscula, et bientôt l'élan se propagea à l'ensemble de la section. Comme sous l'effet d'une onde de choc, la foule entière se mit à se mouvoir et l'estrade elle-même vacilla. Lavinia et sa sœur se cramponnèrent aux rambardes et Cal Van Asche, le bras armé du Prince Noir, chef militaire impitoyable et brutal, hurla des ordres à ses hommes.

– Maîtrisez-les !

Les Pathologus sortirent leurs armes, et les corps se mirent à tomber au milieu des hurlements. La panique ne fit qu'accentuer la débâcle et la puissance du mouvement de masse. L'estrade pencha dangereusement, puis céda dans un grondement avant de se retourner sur les plus proches, tandis que d'autres tentaient d'échapper à une mort certaine sous les coups des Pathologus ou le piétinement de la foule hystérique. Lavinia et Evguenia ne tardèrent pas à se frayer un chemin hors de ces meutes incontrôlables. Van Asche était sur l'estrade éventrée, fouillait parmi les débris et les corps et aboyait des consignes. En quelques enjambées, il les rejoignit.

– Le second médecin ! Où est-il ?

Le visage de Lavinia se durcit. Dieu merci, leur maître n'était pas présent, la voix n'était qu'un enregistrement. Elle envisagea cependant de devoir annoncer à son amant qu'un des deux condamnés avait profité de la débâcle pour disparaître. Elle en frémit. Elle scruta la foule qui courait en tous sens. Une pluie fine et froide s'était mise à tomber. Bientôt, elle serait torrentielle et compromettrait toute recherche.

– Combien de complices potentiels se cachent parmi eux pour couvrir sa fuite ? murmura-t-elle, furieuse.

Van Asche ne l'épargna pas.

– Il suffirait pourtant que la population soit tenue d'une vraie main de fer, et qu'on lui fasse suffisamment peur, pour éviter ce genre de désagrément. Lavinia ignora la pique. Evguenia et elle étaient effectivement les « ministres de l'intérieur » du pouvoir instauré par le Prince Noir. Et si faire régner la terreur était une mission, elles s'en acquittaient parfaitement.

Van Asche se tourna vers ses hommes.

– Bloquez toutes les issues de la place. Et retrouvez le fuyard !

Le chef du groupe répéta les ordres dans le micro intégré à son casque et les Pathologus s'éparpillèrent. Van Asche rameuta d'autres soldats.

– Inutile, l'arrêta Lavinia. Il est certainement déjà loin... mais pas assez pour nous échapper.

– Tuons-en un autre, suggéra froidement Evguenia. On a des centaines d'anciens médecins sous la main.

– Non, intervint Van Asche. Celui-ci sera exemplaire. On ne peut pas perdre la face devant tous ces abrutis. Retrouvez-le.

– La population n'osera pas le cacher, réfléchit Lavinia à haute voix. Sauf...

– Sauf ?

– Sauf les Médicus. Repentis ou pas.

– J'ai déjà suggéré au Prince Noir de les supprimer. Tous, jusqu'au dernier. Ils ne se plieront jamais à ses ordres – jamais complètement.

– S'il ne l'a pas décidé, trancha Lavinia, c'est qu'il a de bonnes raisons.

– Alors qu'est-ce que tu suggères, toi qui le connais si bien ? rétorqua Van Asche.

– Se servir du seul homme susceptible de faire plier les Médicus, répondit la jeune femme avec un sourire méprisant pour Van Asche.

Evguenia mit un terme à l'affrontement qui s'annonçait.

– Je sais où il est. Rentre, dit-elle à sa soeur en gardant l'oeil sur Van Asche. Je me charge de le prévenir.

 

 

FIN DU CHAPITRE DEUX

 

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