Eli Anderson

🤩* JE REVE D'ECRIRE 5 * 🤩Où, quand...?

17/05/2019

Si c’est très personnel, pourquoi en parler ? Eh bien parce que, curieusement, parmi les questions que vous m’adressez, beaucoup tournent autour de ces sujets. Cela dit, j’ai tort d’écrire « curieusement » : au fond, je comprends parfaitement que vous vous interrogiez sur ces points. Il y a sans doute autant de réponses que d’écrivains, mais même si c’est très personnel, on a envie de s’inspirer ici ou là avant de faire son choix, selon son humeur, ce que l’on a à dire (ou plutôt à écrire), la façon dont on veut le faire, ce que l’on vit au moment où l’on écrit…

Et c’est bien pour cela qu’un même auteur pourrait presque donner plusieurs réponses !

 

Pour ma part, je suis plutôt constant. Je veux dire par là que j’ai testé plein de choses pour me mettre dans les meilleures conditions (ou ce que je croyais être les meilleures conditions qui soient), mais au bout du compte, je reviens toujours à ce qui me « correspond le mieux » - j’aillais écrire « ce qui me réussit le mieux », mais là encore, qu’est-ce que ça veut dire ? Il est plus juste d’essayer de trouver le lieu, les outils et les moments qui vous font sentir que là, oui, vous êtes bien, vous êtes dans votre écriture. Et ça, je suis sûr que ça parle à tout le monde qui écrit !

 

OU ?

 

Bien sûr, n’importe où… mais pas pour moi. Bien sûr, on adore l’image mythique de l’auteur en transe et hors du monde, au beau milieu d’un café bondé, tapant fébrilement sur son ordi (ou mieux : noircissant les milliers de pages de ses carnets) alors que le garçon s’agite autour de lui (en braillant à l’attention d’un autre garçon de café à l’autre bout de la salle), lui pose un café sur la table en renversant la moitié dans la soucoupe (qui porte l’empreinte de son pouce plein de moutarde sur le rebord) et sur les carnets en question, et lui réclame déjà le règlement (tout ceci, de préférence dans un café très chic du 6ème arrondissement pour les plus vieux, ou, pour les plus jeunes, dans un boui-boui soooo cool du 20ème avec douze chaises dépareillées sur dix, des coussins par terre si tu préfères t’asseoir par terre, enveloppé d’une fumée douceâtre en provenance de la cigarette vaguement suspecte de ton voisin (qui rit un peu bêtement tout seul depuis deux heures)…

Eh bien tout ça, j’ai essayé, et ça ne me réussit pas, mais alors pas du tout. Pour ma part, c’est plutôt un petit coin chez moi, pas forcément le bureau de ministre, non, juste une petite table déjà bien encombrée de gri-gris, ce que j’appelle mes objets-repère, qui me font du bien quand je les regarde, quand je les touche, qui me recentrent quand je me perds dans mes plans ou mon chapitre en cours, quand je bute sur un obstacle, quand je suis pris d’un gentil petit ras-le bol. J’ai une ou deux mini-plantes (un peu de vert, quoi, pour les parisiens qui vivent dans des placards sans jardin), une petite sirène (initialement perchée sur son rocher, mais j’ai perdu le caillou) en référence à mon premier thriller, une petite sculpture de penseur façon Rodin sur son socle en bois, mes deux masques africains sous verre, offerts par ma tante lorsque j’étais réfugié chez elle, il y a vingt ans, pour rédiger un premier manuscrit qui sera aussi mon premier roman publié, et, last but not least, une sphère verte qui contient un pendentif magique, celui d’Oscar Pill. Entouré de ces petites choses précieuses, je suis bien, là, à ma petite table.

Mais j’ai aussi été bien sur un coin de la table de la salle à manger (alors que j’avais un bureau, pourtant, allez savoir, parfois, on veut absolument investir un autre endroit que celui où on est censé écrire), et j’ai éé vraiment très, très bien, assis derrière une baie vitrée au bout du Brésil, avec une petite lampe, un stylo et une feuille, au sommet d’une colline, en surplomb d’un village de pêcheurs et face à l’océan. Mais vraiment bien. Comme quoi… les circonstances font aussi le lieu.

Astuce du jour : Si je retenais une chose de tout ceci, je dirais : asseyez-vous, commencez à écrire et écoutez-vous. Vous vous sentez à la bonne place pour ce que vous êtes en train de faire ? Alors restez. A l’inverse, ne forcez jamais. N’hésitez jamais à changer de place, de lieu, jusqu’à écouter cette petite voix intérieure qui vous dit : ici, c’est bon, je suis bien pour écrire (et pas : bien tout court, ou bien pour faire une sieste devant la mer, ho, attention !).

 

Autre astuce, ou plutôt une exigence : par moments, pour une raison que je m’explique mal, j’ai besoin de me dire : « lève-toi et marche ». Heu… enfin, je me le dis de façon moins mystique, ne vous inquiétez pas. Je ne sais pas si cela vous arrive, mais une idée qui me semble vraiment à sa place dans le chapitre, une trouvaille qui me plaît, un dialogue que j’aime, et boum, une bouffée de chaleur et d’excitation m’envahit ! Il faut alors que je me lève, que je marche quelques instants, comme si cela permettait de faire redescendre la pression, de m’apaiser, puis je me rassieds et ça repart tranquillou. C’est comme ça, et ça l’a toujours été, alors j’accepte. Il me faut donc écrire dans un endroit où je peux faire ça. Si vous êtes comme moi, et que vous avez choisi d’écrire à la bibliothèque de l’école de Médecine, vous allez vite rencontrer quelques problèmes, et le monsieur en blouse bleue , chauve et à grosses lunettes qui surveille la salle depuis son bureau sur l’estrade va tout de suite s’agiter et vous faire un signe menaçant dans un grand nuage de poussière (avec le rayon de soleil qui tombe des hautes fenêtres pile poil sur lui, ça fait très tableau renaissance, j’aime beaucoup – mais lui, il aime moins mon côté monté-sur-ressorts). Donc trouvez-vous l’endroit pour faire votre tour sur vous-même sans gêner personne (ni vous-même…).

 

COMMENT ?

 

Des carnets ? du papier ? l’ordi directement ?

Alors de mon côté, c’est : « vous me mettrez un peu de tout, M’sieur ! ».

J’utilise assez peu le carnet ; j’ai fait, j’aime bien, mais surtout pour le charme d’en posséder (il y en a de très beaux), le côté presque romantique, voire romanesque, de noter des idées sur un carnet, d’écrire des dialogues qui me viendraient, tels des fulgurances puissamment littéraires… j’avais drôlement l’impression d’être un écrivain, vous voyez ce que je veux dire ? Mais au bout du compte, je n’en fais pas grand-chose, et surtout, moi qui suis très psychorigide concernant la structure, j’ai du mal, ensuite, à m’y retrouver avec mon fatras en désordre dans le carnet.

Beaucoup aiment, a minima, jeter des idées sur un carnet, pour ne pas les oublier. Là encore, j’en suis revenu : il me semble que les idées fortes resteront de toute manière dans ma mémoire, et si je les oublie, c’est qu’elles n’en valaient pas la peine. Mais c’et très personnel, bien sûr.

Pour ce qui est d’écrire sur papier versus ordi directement, là, j’ai vraiment l’usage des deux. Idées, plans, organisation : papier, sans discussion. Il faut que je puisse piocher ici et là, bouger et disposer mes feuilles comme je le souhaite, les étaler, tout embrasser d’un seul regard, et pour cela, l’ordi, ça ne le fait pas – en tout cas pas pour moi, parce que certains vont ouvrir 32 fichiers sur l’écran et passer de l’un à l’autre sans aucun problème ; moi, j’ai VRAIMENT un problème. (Désolé pour les arbres abattus à cause de moi, j’en plante d’autres en compensation).

 

Puis, une fois que mon plan est fait et que je passe à la phase d’écriture, chapitre par chapitre, j’ai encore besoin de papier pour la construction et le développement de chaque chapitre. Je rédige aussi la plupart des dialogues qui habiteront le chapitre en question. Pourquoi ? parce que pour le dialogue, et la tonalité « vraie » que j’espère lui donner, j’ai besoin qu’il n’y ait pas de machine entre ma tête et ce que je couche sur le papier. Il me faut le moins d’intermédiaires possible – au moins pour le premier jet. Seconde raison : lorsque je passe à l’ordi, le fait de retranscrire le texte sur l’écran me permet d’effectuer un premier nettoyage, une première correction ; c’est ça de gagné sur toutes celles que j’effectuerai ensuite lors des différentes relectures.

Faites l’essai : lisez un dialogue écrit directement sur l’ordi, puis un dialogue écrit sur papier et retranscrit (donc forcément corrigé, vous verrez) sur ordi : ça n’a RIEN à voir.

 

QUAND ?

 

Là, j’ai très vite su, et très tôt dans l’écriture : je suis un scribouillard de nuit. LA raison essentielle à ce phénomène, je le sais, maintenant, est que je manque cruellement d’un super-pouvoir fantastique supra-naturel et magique : celui de rester concentré. Aïe, aïe, aïe. Depuis tout petit. Rêveur à mourir, genre un oiseau passe devant la fenêtre (et il en passe, les bougres), et zou, je pars avec. Et puis, avec le temps, je suis resté « distrayable »par les oiseaux, mais aussi par tout le reste : un bruit, une sonnerie, un rayon de soleil, une porte qui claque – je ne vous parle même pas de la notification mail, de la tâche à faire qui me vient subitement à l’esprit, etc. Normal, c’est le propre du jour : les gens vivement autour de vous, et tout est fait pour que cela interfère dans votre propre journée. Moralité : je me lève voir d’où vient le bruit, en chemin, je vois le courrier glissé sous la porte par la gardienne, je l’ouvre, pendant que je l’ouvre, je remarque la porte du lave-linge ouvert, me souviens qu’il est plein, je me précipite sur le séchoir pour l’ouvrir et commencer à étendre le linge (sinon, il va sentir l’humidité, j’ai horreur de ça), mais au milieu, je vois le cake sur le plan de travail de la cuisine, au loin, et hop je laisse mon linge pour m’en couper une petit tranche, et comme il se trouve que le téléphone est juste à côté (je l’ai laissé sur le plan de travail pour ne pas être distrait par un appel), je jette un coup d’œil sur Insta, je coupe vite parce uqe je suis très fort et que je sais qu’il faut retourner écrire, mais là, je lis le sms de mon père qui me demande de le rappeler… j’arrête là ? Vous avez compris le truc, vous vivez la même chose ? Merci. Merci, je me sens moins seul, mais pas plus efficace.
DONC : la nuit. Parce que la nuit, plus de bruit, plus de linge, plus de sms, le cake, je l’ai fini en journée, le téléphone, je ne sais plus où je l’ai mis (et il est en mode silencieux donc impossible de le faire sonner pour le retrouver), et j’écris comme jamais je ne parviens à écrire en journée. Alors bien sûr, le problème se posera si vous avez décidé d’être un humain raisonnablement socialisé, puisque, allez savoir pourquoi (sans doute par manque de présence d’esprit, ça ne peut pas être autre chose), tous les autres vivent, travaillent et interagissent le jour. Et si vous souhaitez vous souvenir que vous ne vivez pas seul au monde, que vous avez des amis et une famille, et que vous voulez quand même faire des courses pour remplir le réfrigérateur, il va falloir revenir sur terre et adopter un rythme en accord avec la société : bosser le jour, dormir la nuit. Et puis, je n’oublie pas que tout le monde n’a pas la chance de vivre de son écriture, et qu’il faut – ça alors ! – aller au boulot et en vivre…

Il ne reste plus qu’à savoir exploiter les rares moments libres entre le boulot, les enfants, les courses, le conjoint (qui râle : « tu nous casse les pieds à filer devant ton ordi dès que t’as une minute ! Et nous alors ? »), les invitations, les obligations et j’en passe.  

Pour cela, une solution, ou plutôt un millier de solutions : les méthodes de gestion du temps, et d’optimisation de la concentration. Et là, faites-moi confiance, j’ai tout essayé, tout lu, ça marche deux jours et on passe au suivant (mais comme il y en a mille, ça va)... Mes méthodes préférées : GTD (getting things done) et celle, toute simple, immédiatement accessbile et redoutable, des « Pomodori ». Allez voir sur internet, c’est très efficace (on verra pendant combien de temps…). 

Dernière astuce : j’ai découvert (comme la moitié de la planète) les bienfaits de la méditation de pleine conscience, et ça, ça marche très bien aussi. On en parle une autre fois ? Sinon, je ne vais jamais réussir à poster ce billet monstrueusement long…

 

Bon, à vous de me dire : où écrivez-vous ? sur quoi ? Papier ou ordi ? vous êtes fan de carnets ? Vous êtes aussi dilué que moi ?

 

Et bien sûr, invitez vos copains écrivains ou qui rêvent d’écrire, venez tous échanger, partager, bref tout ce qu’on aime.

 

Livres reliés

Mila Hunt

Mila Hunt

27/02/2019
ET SI LES ADOLESCENTS PRENAIENT LE POUVOIR ? Mila, dix-sept ans, vit dans le Centre, loin de la misère et des dangers de la Périphérie, territoire hors la loi où personne n’ose s’aventurer. Elle porte [...]

Commentaires des internautes

Nombre de commentaires par page

Pour ajouter votre commentaire ici, connectez-vous à votre compte ou créez-en un en complétant le formulaire ci-dessous



Réagissez




Captcha

Please enter the characters displayed in the image

Actualités

Vous voulez participer
à ce Slog,
écrire des commentaires,
partager votre point
de vue ?

S'inscrire à la Newsletter

En indiquant votre adresse mail ci-dessus, vous consentez à recevoir l'actualité des auteurs Versilio par voie électronique. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment à travers les liens de désinscription.
Vous pouvez consulter nos conditions générales d'utilisation et notre politique de confidentialité.