CE QU’ON FAIT TOUS…
Pour une raison étrange, dès qu’on écrit des dialogues, on en fait des tonnes. Avouez : on fait tous ça, c’est plus fort que nous ! On balance des tartines, des phrases qui ne sont pas naturelles, des tirades interminables, et surtout, on devient explicatif à mourir. D’ailleurs, la critique classique d’un éditeur à ce sujet, c’est : « vos dialogues sont trop écrits. », et tout est dit, nous assassinant ainsi dans la forme (le lexique et la syntaxe ne donnent pas l’impression d’un parler naturel) comme dans le fond (on en dit toujours trop). Sympa l’éditeur, merci.
Cela dit, oui, il est très sympa de nous le dire, parce qu’il a raison d’être exigeant sur ce point.
L’IMPORTANCE DES DIALOGUES
Les dialogues, c’est hyper important, vous vous en doutez. Pour la dynamique qu’ils confèrent au récit, bien sûr. Mais pas seulement ! Les dialogues, c’est aussi un outil indispensable pour poser l’identité des personnages. Enfin, les dialogues sont également votre arme contre la bête noire des écrivains (et des éditeurs…) : le texte explicatif, celui qui en ajoute et en rajoute, qui va vous dire : « un sentiment de colère terrible monta en elle, elle qui ne supportait pas qu’on lui parle ainsi, et qui bouillonnait ainsi … blablabla… blablabli »… alors qu’il serait tellement plus simple d’écrire : « Taisez-vous ! » dit-elle, les poings serrés. Non ?
COMMENT ?
La meilleure façon d’écrire de bons dialogues de roman, c’est… sortir du roman, et plonger dans le film. Eh oui ! S’il y a bien un domaine où le dialogue est roi, c’est le scénario, vous vous en doutez bien. J’ai eu la chance, d’une certaine manière (parce que ce n’est pas non plus tout rose), de m’essayer à cette écriture pour une série TV et un scénario cinéma. Certes, les deux types d’écriture diffèrent, les formats ne sont pas les mêmes et on le sent dans l’écriture, mais grosso modo, c’est assez proche.
Je vous conseille de vous procurer un scénario de film, de série (on trouve ça facilement sur internet), ce que vous voudrez, de préférence un film que vous avez aimé, et de le lire. C’est hyper instructif !
On apprend très vite deux règles capitales :
1) faire COURT
2) faire JUSTE
1) faire COURT :
ça, c’est très important pour le réalisme du dialogue, pour donner la sensation du « parler vivant ». Dans la vie, quand on discute, on ne compose pas des phrases à rallonge ni des tirades kilométriques (sauf les grands bavards, qu’on évite très vite), non ? Alors pourquoi se l’autoriser dans un texte ? Court implique que l’on aille à l’essentiel, et nous oblige à nous poser la question essentielle, justement : que veut-on avoir dit ?
Cette question doit être posée à deux niveaux : au bout du dialogue, mais aussi pour chaque réplique !
à Faites cet exercice sur un dialogue, quel qu’il soit, en commençant par : qu’est-ce que mes personnages doivent avoir dit au bout de ce dialogue (donc : quelle information est passée ?), ensuite, quand vous avez écrit votre dialogue, posez la même question pour chaque réplique, et vous allez voir un peu le nettoyage façon fée du logis, on vire tout de suite les fioritures, les phrases avec trois conjonctives, etc. ça va briller comme un sou neuf !
2) faire JUSTE :
Juste implique que l’on parle VRAI, pour chaque personnage. Si l’un de vos personnages est une masse de muscle un peu bourrue qui aime aller à l’essentiel (de préférence avec ses poings), il est assez évident que vous n’allez pas mettre dans sa bouche des dissertations de trois pages. Oui oui, marrez-vous, on le fait tous ! On dissocie trèèèèès rapidement dialogues et personnages, on s’accroche juste à ce qu’on veut dire, on le dit troooooop longuement et pas du tout de la façon dont notre personnage le dirait « en situation ».
L’ASTUCE DU JOUR, LE TRUC QUI TUE : aujourd’hui, deux astuces pour le prix d’une, mes bonnes dames (et mes bons messieurs) !
J’ai essayé mille techniques pour tester mes dialogues, et je vous recommande celles-ci :
1) L’astuce pour tester le « parler vrai » :
Celle qui marche le mieux est la plus évidente – et la plus ravageuse : vous pensez très fort à vos personnages engagés dans le dialogue, vous relisez leurs fiches de préférence (cf. #JRDE 3 – Les PERSONNAGES), et vous lisez à haute voix. Et là, vous allez soit mourir de rire, soit mourir de honte (faites ça seul, c’est mieux, surtout pour la honte). Très vite, vous allez vous asseoir sur la honte, et être ravi d’avoir pris conscience que ça sonne archi-faux (si c’est le cas). Vous allez vous y remettre, et ça va aller tout de suite très vite.
2) L’astuce pour tester la cohérence entre le dialogue et la personnalité de celui qui parle :
Prenez quelques dialogues de votre fichier texte. Et là, attention : faites disparaître les « s’exclama Mila », ou « répliqua Viggo », ou encore « lui répondit Jen ». Enlevez toute référence aux personnages qui s’expriment dans le dialogue. Et maintenant, lisez le dialogue normalement, sans réfléchir, comme si vous écoutiez une conversation – donc assez rapidement. Et là, normalement, vous devriez bien vous marrer, j’vous l’dis, moi, les amis. Parce que si les répliques des uns et des autres ne sont pas vraiment comme les auraient prononcées les différents personnages s’ils avaient existé, je peux vous dire que vous allez perdre les pédales, et ne plus du tout savoir qui dit quoi. Cette fois encore, ça fait se dresser les cheveux sur notre tête au début, on flippe complètement, puis on se marre de nouveau, oui, et on reprend tranquillement le dialogue en laissant vraiment les personnages parler dans votre tête, comme s’ils existaient. Et ça va très bien se passer. C’est ra-di-cal !
Et bien sûr, avec le temps, vous n’aurez plus besoin de ces astuces : ce sera entré en vous, naturel, automatique.
En route pour de bons blablas !
Comme d’habitude : vos commentaires sont bienvenus, vos copains aussi, donc invitez-les, partagez avec qui vous voulez, de la manière que vous voulez, on ne sera jamais assez de fous pour rire.
A la semaine prochaine !
