Puisqu’on démarre l’aventure, je propose de commencer par le commencement de l’écriture. Et au Commencement, comme tout le monde le sait, il y eut… l’Idée ! ( …et pas le Verbe, allez, on se permet même de contredire la Bible, on n’a peur de rien, non ? Remarquez bien que de l’Idée au Verbe, y’a pas loin, surtout en écriture - bref, passons).
L’Idée, c’est quoi exactement ?
Je vous entends d’ici : « Ben évidemment, qu’on l’a, l’idée ! »… sauf que ce n’est pas si simple que cela. L’Idée avec une majuscule, c’est celle qui illustre, narrativement, ce que vous a voulu dire dans votre roman, et ce qui vous a animé et motivé pour écrire. C’est un peu le « pourquoi » de votre texte, sa raison d’être, et votre raison, à vous, d’écrire ce texte. Et pas les idées qui vous viennent au fil de la construction de votre roman (ça, ce sera le sujet d’un autre rdv #JRDE) et qui nourrissent l’histoire.
Et croyez-moi : être au clair avec l’Idée de son texte, c’est capital. C’est un fondamental qui vous suivra tout au long de l’écriture, et qui vous permettra de garder le cap, tel un fil rouge – surtout si, pris dans la déferlante et grisé par le vent des mots, vous décidez de vous engager dans une saga de 137 tomes (avouez).
En somme, quand vous racontez l’Idée de votre livre, on doit percevoir, derrière, ce qui vous a donné envie d’écrire votre texte – et sans que vous le disiez.
Je vous donne un exemple : si vous me dites : « l’idée de mon roman, c’est l’histoire d’une fille qui tombe amoureuse », ça ne va pas le faire. Parce que ça, ça s’appelle « un ressort narratif », un élément de votre histoire parmi d’autres, et qui met le texte en tension selon ce qui va arriver dans cette histoire d’amour, mais ce n’est pas l’Idée. Alors que si vous me dites « c’est l’histoire d’amour impossible entre une jeune fille libérée et une femme mère de famille de la haute société dans l’Angleterre victorienne engoncée dans son carcan moral », là, c’est différent. Derrière, se cachent l’envie de raconter une passion qui dépasse les contraintes d’une société, un dépassement de soi et des prisons qu’on se construit, le combat de deux femmes pour leur liberté et contre le mur de la morale, etc. Vous voyez la différence ?
Comment trouver l’Idée ?
Ah, ça… Il n’y a pas de recette, c’est certain. Je suis convaincu que c’est un phénomène passif : l’idée vous tombe dessus, sans crier gare. Pour ma part, c’est une affaire de rencontre, de circonstances : une conversation, un article dans le journal, une affiche dans la rue, une pub dans le métro, une photo sur internet…
L’Idée de Mila m’est venue dans une circonstance toute « bête » : un repas. Nous parlions des résultats déplorables de certaines personnes de votre paysage politique, et là, comme toujours, il y a un ado plus gonflé que d’autres qui fanfaronne : « franchement, même nous on ferait mieux ! ». Et ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd ! Je me suis dit : chiche, tu penses faire mieux, on va voir ça… et j’ai eu envie d’écrire autour d’une société où on reconsidèrerait la position de l’ado, et où le pouvoir lui serait même confié.
Vous voyez, une Idée, ça ne tient pas à grand-chose au départ, mais si vous sentez que ça fait écho en vous, boum : foncez ! Parfois, vous creuserez et vous vous rendrez compte que l’écho a fait long feu, et vous abandonnerez… et parfois vous poursuivrez.
En revanche, là où vous pouvez être actif, c’est en vous rendant réceptif : soyez en éveil, curieux, laissez votre envie d’écrire vous rendre à l’affût des sujets qui pourraient faire naître une Idée.
Comment vous dire : « je la tiens, mon Idée ! » ?
Comme on l’a dit plus haut, c’est une affaire de sensibilité intérieure, et d’écho. L’Idée se présente à vous, un peu brute, mal dégrossie, vous creusez, ça vous parle, ça vous excite, et hop, en route Simone ! C’est donc très personnel.
… Mais je vous donne quand même un repère assez objectif et qui marche à tous les coups ! Il m’a été donné au tout début de mon aventure éditoriale, dès mon arrivée chez Albin Michel, par mon éditrice d’alors. Elle m’interrogeait sur mon texte et ce qui m’avait motivé pour l’écrire, et je me suis embarqué dans un truc fleuve et incompréhensible qui l’a obligée à m’arrêter, ça ressemblait un peu à ça :
- STOP ! Dites-moi juste une chose : quelle est votre intention ?
Et je crois que c’était essentiel de me poser cette question, parce que l’Idée, c’est celle qui exprime votre intention, qui lui donne la forme d’une histoire.
J’ai donc baragouiné un truc encore plus compliqué, et elle m’a faire taire une seconde fois pour me donner un « truc » que je vous livre, et que vous garderez en tête : selon la célèbre phrase (de Boileau ?) « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », l’Idée, si elle est claire dans votre tête, doit être énoncée clairement, et simplement. Et voici le truc : vous devez pouvoir résumer votre Idée en UNE PHRASE, voire deux. Et attention, comme disait mon prof de gym, « faut pas prendre le père Eli pour une bille », hein (comme quoi, Boileau n’avait pas l’apanage de la spiritualité…) : ne me faites pas des phrases proustiennes qui commencent en page 4 et finissent en page 21. Une phrase, c’est sujet verbe complément (voire subordonnée), et dans des propositions qui laissent la chose compréhensible.
Je vous donne encore un exemple, avec – au hasard ; - mon dernier roman, MILA : 624 pages, et a priori un peu beaucoup d’action, une succession de rebondissements et un milliard de personnages, donc un peu moins facile à résumer qu’un texte d’Amélie Nothomb, a fortiori en une phrase. Mais l’Idée, elle, doit l’être, et la voici :
« Mentaliste depuis l’enfance, Mila va devoir utiliser son terrible don dans un monde fascinant où les ados ont pris le pouvoir ». Bon d’accord, je l’ai bossée, et c’est très raccourci. Mais le ton est donné, et on comprend que derrière l’Idée, il y a le sujet des pouvoirs mentaux, de la position des ados dans la société, et de l’utopie d’un monde où les ados auraient enfin leur mot à dire (bon, si vous ne l’aviez pas tout à fait compris, je peux rallonger la phrase).
Une dernière chose : n’ayez pas cette crainte irraisonnée de toute personne qui écrit, qui voudrait écrire, et qui consiste à redouter qu’on vous pique votre Idée ! Il est vrai qu’on ne peut pas protéger une idée comme on peut le faire avec un texte ou une illustration ou une musique. Mais croyez-moi, les Idées ne manquent pas, et de toute manière, vous pourrez donner la même idée à dix personnes, le traitement sera radicalement différent. Et enfin donnez une Idée excellente à un être sans imagination, et le résultat risque d’être épouvantable… Donc n’ayez pas peur pour votre idée, et LANCEZ-VOUS !
Alors dites-moi : et vous, vous en êtes où de votre Idée ?
Allez-vous faire le test de LA phrase ? (j’adorerais être dans votre tête, on rigolerait bien pour les premiers essais…)
Ce premier rdv vous a plu ? Alors :
- Dites-le, ça fait toujours plaisir au gars,
- Invitez du monde, partagez, repostez, bref, soyons nombreux et fous !