Antoine Audouard

Blog de Antoine Audouard


PERES ET FILS

 Yvan Audouard, écrivain français


Au mois de mars 2011 paraît mon nouveau livre, « le Rendez-vous de Saigon ». Il parle de mon père et de moi, mais aussi de son père et de mes fils. Il retrace des filiations souterraines et peut-être imaginaires, mais qui n'en exercent pas moins sur nos vies des influences lunaires. J'ai eu du mal à écrire « nouveau » car j'ai écrit ce texte quelques mois après la mort de mon père, il y a bientôt sept ans. Et puis je l'ai perdu, physiquement perdu : pas imprimé, disque dur crashé. Il a fallu le « hasard » d'un disque de récupération pour le voir refaire surface. L'oubli étant la principale capacité de ma mémoire, je l'ai vu ressurgir avec surprise. Certains écrivent : je me souviens de tout. Et moi : je ne me souviens de rien. Et pourtant de ce rien émergent des fragments. En voici un.

 


MONSIEUR LE CONSUL

 Il y a trente ans, nous rêvions ensemble de ce que serait le monde si nous l'envahissions avec nos âmes maladroites et nos belles intentions. Dans une vallée de l'Atlas, au Kurdistan, en Afghanistan, à Haïti - et même en France - il n'a cessé d'y croire. Malgré le pessimisme - qui m'incite à craindre que si le destin avait le caprice de nous confier le pouvoir nous ferions autant de morts que les autres au nom de l'établissement du bien, sa foi conforte mes doutes. Ce portrait a été publié dans le magazine du "Monde" en octobre 2008.


GERMAINE TILLION

C'est Todorov qui m'a fait dévouvrir Germain Tillion. Elle a instantanéement fait partie de ces figures qui s'installent dans nos vies comme des présences intermédiaires: impossible de prétendre les avoirs côtoyées, mais impossible aussi de nier la familiarité qui nous en rapproche et nous incite à nous tourner vers elles, à en faire les partenaires de ces dialogues imaginaires où les figures du passé nous aident à apprivoiser le présent sans sombrer dans le tentant refuge de la tristesse.

Photo D.R.


GUY SCHOELLER

Je l'ai connu peu et tard. Il était d'une certaine façon assez peu sympathique - et pouvait même se rendre odieux sans effort. Même ses amis le savaient porté sur une forme de mythomanie tellement distrayante qu'il évita de rédiger ses mémoires (ce que lui avaient proposé tous les éditeurs de Paris), sans doute pour ne pas les décevoir. Longtemps directeur du Livre de Poche, éphémère mari de Françoise Sagan, le fondateur de la collection "Bouquins" était l'une des dernières figures d'une forme d'édition qui, sous ses dehors arrogants, dissimulait peut-être le plus profond - et le seul vrai - respect des lecteurs: celui de ne pas les prendre pour des imbéciles.


Bizot et le bourreau : face au miroir

En octobre 1971, l'ethnologue François Bizot était arrêté et détenu par les Khmers rouges. Accusé d'appartenir à la CIA, à deux doigts d'une exécution sommaire, il était libéré trois mois plus tard, à l'instigation de son geôlier, Douch. Arrêté en 1999, Douch a été reconnu comme le chef de la sinistre prison et centre de tortures de Tuol Sleng (S-21), au centre de Phnom Penh. Depuis qu'il le sait en vie, Bizot attend de s'asseoir en face de Douch, de l'interroger, de « démonter le réveil ». Après des années d'attente, son procès sera le premier d'un responsable du régime qui fit, selon les estimations, entre deux et trois millions de victimes en à peine plus de trois ans. Pour l'auteur du « Portail », l'enjeu de justice devrait aller au-delà de l'évocation du crime, impardonnable, et de sa condamnation, indispensable. Peut-elle être l'occasion tragique d'apprendre à ne plus nous méfier des autres, mais de nous-mêmes ?


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