Je suis souvent agacé, dans mes cours à l’Ecole de Journalisme, par les habitudes de lecture inattentive de beaucoup d’étudiants… Toujours trop vite – toujours des mots qui manquent, toujours cette impression qu’il n’y a « rien de spécial à dire » sur un texte (à part les sempiternels j’ai aimé ou ça ne m’a pas beaucoup intéressé…).
C’est pourtant à ce genre de lecture, incomplète, essoufflée, que je me suis laissé aller avec le récit de Joyce Carol Oates dans le dernier numéro du New Yorker, A Widow’s story. Je ne connais presque pas l’œuvre de JCO, à part ses (fantastiques) textes sur la boxe ; elle est de ces quelques auteurs vers lesquels je suis attiré sans savoir pourquoi, et repoussé par la pure paresse, pour la (mauvaise) raison qu’elle semble écrire et publier plus vite que je ne sais lire…
Ce petit texte raconte simplement sa dernière semaine auprès de son mari. C’est le départ d’un être humain et la peine d’un autre. C’est tout. C’est tout ? Il est d’un dépouillement, d’une simplicité qui obligent presque à ne pas s’arrêter pour pleurer avec elle, bien que l’écriture soit aussi peu sentimentale que possible.
Ah, comme j’ai aimé le lire trop vite, en sautant des mots, des phrases, aimé lire avec cette hâte qui autrefois nous fit courir vers celle que nous aimons et qui nous attendait. Mais un amant pressé n’est pas un mauvais amant, c’est un amant qui prendra son temps – la prochaine fois. Nul doute que je relirai ce texte, et le relirai encore, conseillant à de futurs étudiants, avec mon air le plus sévère (qui n’est pas très sévère) de le lire, pour une fois, avec attention, merde. Mais je n’oublierai pas cette première lecture , elle informera toutes les autres.
Source : Joyce Carol Oates, A Widow’s story, The New Yorker Dec. 13, 2010.