Antoine Audouard

Blog de Antoine Audouard


AU BONHEUR DES PETITS SAINTS

Au sortir de mon récent AVC, on m'a proposé pour évaluer mon état une série d'images représentant des personnalités politiques ou du spectacle. A peine avais-je eu le temps de me réjouir que la photo de Marine Le Pen ne fasse pas partie de mon retour à la vie (j'ai eu Jospin, Michel Drucker et Catherine Deneuve jeune et j'ai râlé qu'à un écrivain on ne propose pas les tronches amies de Balzac, Flaubert ou Victor Hugo) que la clameur des « petits saints » m' a aussitôt cahuzé les oreilles.

 

Les « petits saints » sont en goguette ! Pensez donc, un Cahuzac, ça ne vous tombe pas tous les jours dans l'escarcelle. Un socialiste ripou, la droite se régale, quand en plus il a été conseillé dans ses crapuleries par un proche de l'abominable Marine, c'est toute la gauche de la gauche qui en redemande. On va pouvoir marcher citoyen, un couteau entre les dents, chouette ! Il faut faire couler le sang et changer d'hommes et de système.


RENAITRE CHAQUE MATIN

En voyant cette publicité pour un matelas, j'ai saisi avec trop de facilité l'occasion de me livrer à ce classique exercice de haine du présent auxquels les écrivains de toutes les époques semblent ne pouvoir échapper, de temps à autre - et pourquoi pas ? à condition qu'il ne finisse pas par les étouffer.


LE MOULIN ET LA CROIX

 

C'est mon ami le peintre Bruce Thurman qui m'a expédié voir le film de Lech Majewski, « Bruegel, le Moulin et la Croix ». Je n'ai jamais rien vu de tel, et je n'ai jamais été à la fois si profondément et - si j'ose dire - naturellement dérouté et touché par un film... Il est difficile à raconter en utilisant un autre langage que le sien propre - il n'est pas narratif, car il ne raconte ni l'histoire d'un tableau, ni celle d'un peintre, ni aucune histoire à proprement parler - et en même temps il n'est pas purement allégorique, comme le sont certains films de Tarkovski, par exemple, que j'ai du mal à revoir aujourd'hui ; car en même temps il est profondément humain, d'une humanité presque sans mots et pourtant pas silencieuse, puisqu'on ne cesse d'y voir les activités humaines les plus simples, on y rit, on y pleure, on y fait l'amour, on y danse et on y meurt.


INCENDIES

J'ai vu hier un film que je voulais voir depuis longtemps et que j'avais raté, comme on rate beaucoup de choses (pièces, expositions, rencontres...), par une sorte de paresse quotidienne qui pourrait être une des façons par lesquelles la mort s'annonce : on ne se jette plus en avant avec cette impulsivité, on ne prend plus ces risques (de s'ennuyer, d'être déçu...), et on se replie doucement sur un univers où l'on n'est plus vraiment secoué par rien, où l'on s'entoure de ces espaces peuplés de livres et d'ombres qui nous protègent du monde, mais aussi nous en séparent.



HOUELLEBECQ HEUREUX

 

Ecrire à propos de Houellebecq c'est sans doute écrire quelque chose qui a déjà été écrit à son sujet, si ce n'est par lui-même, c'est aussi avoir l'impression désagréable de se trouver  l'intérieur d'un roman de Houellebecq - ceci pour commencer en utilisant les italiques qui lui sont chères pour dire ce qui compte. Par l'adulation ou la détestation, il semble provoquer un dommage collatéral étrange : on écrit comme lui, qu'on le veuille ou non.


Aux abattoirs

I

Il y a quelques mois, je me trouvais dans un abattoir de Tarascon, département des Bouches-du-Rhône, petite ville plus connue pour son Front National, son château et son Tartarin. Avec beaucoup d'hésitations, traversant une aube brumeuse et pluvieuse, j'avais chaussé les survêtements - blouse, chapeau, chaussettes - tout semblables à ceux que l'on distribue dans les maternités. J'étais resté coincé un temps dans une vaste chambre froide où il fallait pousser des carcasses de vaches pour se frayer un chemin. Enfin, selon mon v?u étrange et contre moi-même aussi, je me trouvais au carré d'abattage, dans la Cité du Sang.

 


UN INTERMINABLE GUANTANAMO JUDICIAIRE

Mourad Benchellali (photo le Figaro)

Il y a bientôt six ans, dans l'avion qui le ramenait de Guantanamo, Mourad Benchellali et ses cinq compagnons français pensaient que leur cauchemar était terminé. Après deux ans et demi de détention dans des conditions dénoncées universellement, Mourad allait retrouver la liberté et le chemin d'une vie à reconstruire. Il n'en a rien été - et l'on peut même se demander si le nouveau cauchemar dans lequel il est entré n'est pas, à certains égards, comparable au précédent. Il implique le système policier et judiciaire français, l'hypocrisie gouvernementale et l'indifférence de tous.
 


Français, mais pas vraiment

Libres et égaux en droit? Remarques sur la discrimination administrative de base qui fait la distinction entre Français "de catégorie 1" et Français de "catégorie 2".


Au commencement il y avait le silence

A La Maison de Quartier de Wazemme (Lille) en juin 2009, Samira m'a invité à la "remise des travaux" de son association, Mademoiselle S. Chanteurs, slammeurs, femmes en quête de mémoire... Une histoire de rencontres et de mots. Avant de venir, je lui avais demandé ce qu'elle attendait de moi. "Rien, a-t-elle dit, que tu sois là."

Voilà.


Vous voulez participer
à ce Slog,
écrire des commentaires,
partager votre point
de vue ?

S'inscrire à la Newsletter

En indiquant votre adresse mail ci-dessus, vous consentez à recevoir l'actualité des auteurs Versilio par voie électronique. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment à travers les liens de désinscription.
Vous pouvez consulter nos conditions générales d'utilisation et notre politique de confidentialité.