Antoine Audouard

Blog de Antoine Audouard


FRAGMENTATION

 Selon la théorie familière d'Isaiah Berlin, tirée d'un fragment d'Anacréon, nous sommes des renards ou des hérissons : les renards courent dans tous les sens, et les hérissons font toujours la même chose. Appliquée aux écrivains, cette théorie peut être amusante, à condition de la tordre dans tous les sens et de s'amuser avec. Pour ce qui me concerne, je suis un renard malheureux, persuadé qu'il est en fait (tout au fond) un hérisson.


DEDICACE

Quand j'avais quinze ans, mon grand-père, le surréaliste André Thirion, publia le livre Révolutionnaires sans révolution qui, presque quarante ans plus tard, demeure l'un des témoignages majeurs pour comprendre l'histoire du surréalisme. Sur mon exemplaire figure la dédicace suivante : « Il est dans l'ordre des choses qu'une ou deux générations d'être humains soient en position de croire qu'ils remplissent, enfin, le tonneau des Danaïdes. Je souhaite, Antoine, que tu sois de ceux-là et que cette dédicace te porte, néanmoins, à ne jamais négliger les Danaïdes pour le tonneau. »


LETTRE D'INSULTES

Il y a quelque temps, j'ai reçu une lettre d'insultes d'une dame à propos de mon roman « l'Arabe », m'accusant de voir le mal partout, d'avoir l'esprit diaboliquement tourné et me souhaitant tout l'insuccès possible.


CYNISME TRANQUILLE

Lilian Ross (dessin du New Yorker)

Un ami du New York Times nous a révélé un soir les trois secrets les mieux gardés du vrai journaliste. Le premier: ne jamais faire confiance à un journaliste. le deuxième: ne jamais faire confiance à un journaliste. Le troisième: ne jamais faire confiance à un journaliste. Nous avons trouvé ça drôle. Je ne suis pas sûr que ça le soit tant que ça.


LA LECTURE COMME MANQUE (2)

 

Yu Hua, toujours lui, rapporte qu'à la période, après la Révolution culturelle, où des livres se trouvèrent à nouveau disponibles, une avidité extraordinaire s'empara de tous Les quelques exemplaires des classiques du roman du XIXe siècle (les Balzac, Tolstoï et autres Dickens, autrefois qualifiés d'"herbes vénéneuses") circulaient à la manière de biens précieux. Le problème était qu'à force de passer de main en main, ils se dépouillaient peu à peu : peu importe pour la couverture, le titre, le nom de l'auteur, mais il était frustrant de lire des histoires où manquaient le début et la fin, et où des pages au milieu avaient été arrachées.


 


LA LECTURE COMME MANQUE

On découvre dans le chapitre « Lectures » de son dernier livre le jeune Yu Hua grandissant sous la Révolution culturelle et, assoiffé de lecture, courant derrière chacun pour découvrir si, par extraordinaire, il y a chez eux autre chose que les quatre volumes jamais ouverts des ?uvres Choisies du président Mao Zedong ou son Petit livre rouge.


 


LE CHEMIN DE NOTRE VIE

« Nel mezzo del cammin di nostra vita.. » « Au milieu du chemin de notre vie... » Le célèbre premier vers de « l'Enfer » de Dante nous le rappelle : ce que nous lisons d'abord, le début, n'est qu'un milieu. Beaucoup d'histoires sont dites commencer « in medias res » - comme si une porte s'ouvrait dans la vie, parfois avec douceur, parfois avec brutalité.


COMME LA FLAMME DEVORE LE BOIS

La vérité par le mensonge, écrivait Vargas Llosa, et la formule est trop habile pour être tout à fait recevable - et puis c'est le mensonge qui nous attire en elle alors que son terme le plus important est le premier : la vérité. J'en vois qui vont grincer : mettre la littérature sur ce terrain, ce serait l'envoyer sur la pente glissante du moralisme qui, comme chacun sait, se termine en bondieuserie ou en réalisme socialiste. C'est un faux procès.


UNE NOUVELLE HISTOIRE

Dans un passage célèbre de « Paris est une fête », Hemingway écrit : « Parfois, lorsque je commençais une nouvelle histoire et n'arrivais pas à la faire décoller, je me levais et je regardais les toits de Paris en pensant: « Ne te fais pas de souci. Tu écris depuis toujours, tu écriras aujourd'hui. Tu dois seulement écrire une phrase vraie. Ecris la phrase la plus vraie que tu connaisses. » Et finalement j'écrivais une phrase vraie, et je continuais à partir de là.


IL ETAIT UNE FOIS

"Il était une fois" fut longtemps la seule façon d'introduire une histoire. Est-elle toujours d'actualité, ou appartient-elle au temps imaginaire d'une mythologie oubliée?


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