Antoine Audouard

Blog de Antoine Audouard


ÉCRIVAINS MAUDITS : AND THE WINNER IS...

Tous les ans en septembre - les grandes manoeuvres ayant commencé avant l'été - les éditeurs et les journaux se
livrent à un jeu bien distrayant - celui de l'écrivain maudit. 


Le bien maudit a toutes les chances de grimper sur les listes de best-sellers, voire d'obtenir le prix que sa stature maudite lui interdit.

 

Longtemps M. Houellebecq fut le premier de nos maudits. Gageons qu'il brûle de le rester longtemps et que, pour cette raison, il retarde indéfiniment la rédaction de son opus majeur : le guide des paradis fiscaux en Europe et dans le monde (préface de Jérôme Cahuzac, ministre maudit).


L'IMPOSTEUR DÉMASQUÉ PAR LUI-MÊME

Si la création artistique est bien une danse avec l'amour et la mort, il n'est pas donné à chaque créateur à l'instar de Dostoïevski, de passer le seuil de la « maison des morts », lui qui révèle la profondeur de son extrême faiblesse et, par là même, l'étendue de ses forces. Avec Deux vies valent mieux qu'une Jean-Marc Roberts a apporté une preuve éclatante qu'il avait trouvé la sienne. L'imposteur libéré n'écrira pas de suite ; mais tirer sa révérence avec un tel livre, ce n'est quand même pas rien.


SABRI

J'ai gardé de mes années dans l'édition une curiosité particulière : celle de découvrir dans un manuscrit, à travers ces « première lignes » chères à Jean-Marie Laclavetine (un autre éditeur-écrivain ou écrivain-éditeur, si l'on préfère), les intonations particulières d'une voix qu'on n'a jamais entendue et qu'on entend résonner pour la première fois. Ces impressions - comme celles d'une rencontre - se conservent je crois, c'est-à-dire se déposent en nous pour ne plus jamais cesser de se transformer... Dans le cas du livre de Sabri Louatah, il est beaucoup trop tôt pour savoir ce que sera le parcours au long cours de cette première lecture, puisqu'elle date de moins d'un an, mais certainement pas pour exprimer cette jubilation, si j'ose dire pure et sans mélange, et qui provoque immédiatement l'envie d'aller voir ses proches pour partager l'événement avec eux. « Tu n'as pas lu ça ? Allez, pose tout et vas-y. »


UNE HISTOIRE BANALE ET PEU ORDINAIRE

Les ateliers d'écriture font maintenant partie de ma vie: ce n'est pas une acitivité professionnelle, plutôt un moment à partager avec des groupes de gens qui se rassemblent et tâchent de frotter les mots les uns contre les autres. La semaine dernière, à Tours, des élèves d'un lycée professionnel m'ont décrit des portes... Hier, à Lille, des femmes des cités ont raconté leur "honte"...



EN VENTE CETTE SEMAINE...

Ca y est, le livre sort, et tout arrive, et rien: les mots affectueux, les silences, il n'est nulle part à Romorantin, etc. Etat des lieux...


EN ATTENDANT LULU

 

Nous pouvons "tout savoir" sur l'histoire que nous voulons raconter, avoir accumulé toute la documentation, rencontré tous les personnages, effectué toutes les enquêtes... et nous trouver incapables d'écrire même la première ligne. Pour Ryszard Kapuscinski, acharné à raconter les derniers mois de l'empire d'Ethiopie, c'est un petit chien qui le mit sur la voie...


LIRE TROP VITE

Photo Random House

Je suis souvent agacé, dans mes cours à l'Ecole de Journalisme, par les habitudes de lecture inattentive de beaucoup d'étudiants? Toujours trop vite - toujours des mots qui manquent, toujours cette impression qu'il n'y a « rien de spécial à dire » sur un texte (à part les sempiternels j'ai aimé ou ça ne m'a pas beaucoup intéressé?).C'est pourtant à ce genre de lecture, incomplète, essoufflée, que je me suis laissé aller avec le récit de Joyce Carol Oates dans le dernier numéro du New Yorker, A Widow's story.

 


FRAGMENTATION

 Selon la théorie familière d'Isaiah Berlin, tirée d'un fragment d'Anacréon, nous sommes des renards ou des hérissons : les renards courent dans tous les sens, et les hérissons font toujours la même chose. Appliquée aux écrivains, cette théorie peut être amusante, à condition de la tordre dans tous les sens et de s'amuser avec. Pour ce qui me concerne, je suis un renard malheureux, persuadé qu'il est en fait (tout au fond) un hérisson.


DEDICACE

Quand j'avais quinze ans, mon grand-père, le surréaliste André Thirion, publia le livre Révolutionnaires sans révolution qui, presque quarante ans plus tard, demeure l'un des témoignages majeurs pour comprendre l'histoire du surréalisme. Sur mon exemplaire figure la dédicace suivante : « Il est dans l'ordre des choses qu'une ou deux générations d'être humains soient en position de croire qu'ils remplissent, enfin, le tonneau des Danaïdes. Je souhaite, Antoine, que tu sois de ceux-là et que cette dédicace te porte, néanmoins, à ne jamais négliger les Danaïdes pour le tonneau. »


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