Antoine Audouard

ELOGE DU FOUET

22/11/2010

 Dans sa préface à Musique pour les Caméléons, Truman Capote écrit cette phrase qui résonnera à travers le corps de tout écrivain. « Quand Dieu te fait ce présent [le don de l’écriture], il te tend en même temps un fouet ; et ce fouet est aux seules fins de l’auto-flagellation. »

Il ne s’agît pas d’une confession intime sur les tendances sexuelles de l’auteur, ni d’une banale variation sur le thème de la souffrance du créateur, mais d’une réflexion inspirée par des années de métier.

Ce que développe Capote est réel : la découverte du « don » est instinctive, accidentelle ; son développement est le travail d’une vie,  et il semble qu’avec le développement de nos capacités, de notre audace, de notre ambition, vienne aussi cette conscience plus élevée que ça ne va pas, ça ne va toujours pas, ça ne va jamais…

Nous nous fouettons donc pour avancer quand ça va trop doucement (ou que nous sommes immobilisés), nous nous fouettons encore quand nous lisons ceux que nous admirons, nous nous fouettons dans la recherche permanente, et toujours frustrante, d’une voix qui nous permette d’exprimer ce qui nous appartient d’unique – et qui de ce fait vaut la peine d’être partagé.

Capote cite encore la belle et terrible phrase d’Henry James : « Nous vivons dans l’obscurité, nous faisons ce que nous pouvons, et le reste est la folie de l’art. » Car ce fouet ne cessera pas de tomber, et de tomber dur, quand nous aurons touché les limites de ce que nous pouvons lire et de ce que nous savons écrire : avec le don (divin ou pas) nous sont venus le rêve et la souffrance, et face à cette montagne que nous savons être incapables de franchir, nous prenons la route, inlassablement.

Source :  Musique pour les caméléons, de Truman Capote (collection Folio). Attention, l’édition bilingue publiée sous ce titre ne comprend qu’environ un tiers du texte complet. Pour les anglophones, Music for chameleons  ou encore l’édition complète des textes courts de non fiction de Capote : Portraits and observations. Enfin, impossible de citer Capote sans rappeler son chef d’œuvre, De Sang froid. 

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