Une des phrases les plus citées de Tchekhov est celle où il affirme qu'au théâtre, si l'on voit un pistolet dans une scène du début, ce pistolet doit nécessairement être utilisé avant la fin de la pièce.
En regardant Dillinger est mort, j'ai trouvé une illustration inattendue de ce principe.
Peu de temps après que le personnage de Glauco (Michel Piccoli) a découvert dans un journal des images de la carrière et de la mort du célèbre bandit John Dillinger, il retrouve chez lui un vieux pistolet emballé dans du papier. Celui-ci sera-t-il utilisé et pourquoi ? Avec Ferreri, qui a le premier (?) décelé le danger chez Piccoli, tout est possible : plus tard dans le film, le pistolet repeint dans les tonalités psychédéliques de l'appartement se transforme dans les mains du héros en une sorte de jouet. Qu'y avait-il à craindre ? Rien, vraiment. À peu de scènes de là, Glauco dégotte une vieille boîte de balles qu'il dépose une à une dans son assiette. Pour les manger, les avaler comme des vitamines ? non : il charge le pistolet avec lequel, dans la scène suivante, il va tuer sa femme avant de s'enfuir.
Sans vouloir surinterpréter, maladie courante du critique ou du cinémane, tout cela est très ambigu. Glauco nous a été présenté au long du film comme en proie aux aliénations de la société moderne. Son crime accompli, il peut se libérer, s'enfuir, plonger dans la grande bleue sur laquelle une porte s'ouvre miraculeusement et monter à bord du yacht luxueux où l'attend une jeune milliardaire séduite par lui dès qu'elle l'aperçoit.
Références
Dillinger est mort, de Marco Ferreri, 1969, avec Michel Piccoli, Annie Girardot, Anita Pallenberg.
Vivre de mes rêves, lettres d'Anton Tchekhov, choisies, traduites et présentées par Nadine « Nadioucha » Dubourvieux, préface de bibi, Robert Laffont, collection « Bouquins », 2008.