Antoine Audouard

LE DERNIER REFUGE DES OPTIMISTES

24/07/2015

 

 

Parmi mes amis certains, sans nécessairement faire leur la célèbre devise du docteur Coué (Chaque jour de mieux en mieux), croient au progrès – et puis il y a mon cher Bizot. Pour résumer la conception générale de l’auteur du Portail et du  Silence du bourreau, les emmerdements sérieux de l’homme ont commencé lorsqu’il s’est cru permis de quitter sa grotte. Résumé un peu sommaire, mais je ne crois pas qu’il me démentirait.

Mon cœur et ma raison me poussent vers une forme de ce pessimisme tragique – de plus il ne freine pas, mais plutôt encourage, et met en perspective l’intensité joyeuse de la sensation du moment présent, et tout ce qui donne du prix à la vie : la beauté, la rigolade, l’amour, l’amitié.

A en croire Bizot, on était bien dans la grotte, humains et animaux, à se renifler les pets les uns des autres. Je ne regrette  pas, néanmoins, d’être sorti.

De plus, j’aurais du mal à vivre si je ne ressentais aussi un peu  le besoin de ce stupide optimisme collectif.

A défaut de le trouver sur terre, où les guerres, l’autodestruction de masse (environnement) et la bêtise triomphante peuvent finir par entamer les plus fermes tenants du «toujours mieux», il faut se résoudre à le penser «ailleurs». La religion nous tente de moins en moins, et nous mesurons un peu chaque jour qu’avec sa phrase sur le caractère nécessairement religieux du XXIe siècle, Malraux n’avait pas dit que c’était une bonne nouvelle.

Mais alors où se réfugier ?

 

Une phrase du « père » scientifique du programme d’exploration de Pluton me fournit matière à encourager mes amis optimistes : Je pense, a-t-il déclaré, que le système solaire nous a réservé le meilleur pour la fin. Par là, il veut sans doute simplement dire que les données qui nous parviennent en provenance de Pluton (planète du froid, de la mort et de l’ombre dans l’imagination populaire, puis  planète déchue de son rang) seront de plus en plus intéressantes et riches. Libre aux optimistes d’en tirer la conclusion qu’il existe de petits Plutoniens avec qui nous allons entretenir de passionnants échanges – y compris sur le moyen de quitter ce putain de système solaire avant qu’il n’explose (ou n’implose – je ne sais jamais le programme final exact mais je sais que ça se finit mal – dans le feu ou la glace, une supernova ou un grand trou noir, on s’en fout un peu). Les autres pourront toujours rétorquer (sans ricaner svp !) que l’homme est indécrottable dans sa connerie : qu’il s’agisse de son destin personnel (destruction du corps, envol de l’âme vers un Dieu bienveillant) ou collectif (accroissement infini des richesses par le capitalisme, naissance d’une société juste faisant à chaque individu sa place quelle que soit sa naissance, par le communisme), il lui faut encore et toujours croire que ça va aller mieux après, « en dernier ressort ».
Ne tranchons pas : les optimistes ne voient pas de raison de s’inquiéter, et les pessimistes pas de quoi espérer – et c’est peut-être bêtement comme ça, affaire de tempérament. Sur quoi je propose un commentaire final dont l’auteur est le président Queuille, politicien peu admiré de notre IVe République, mais grand philosophe. Qu’on en juge : Il n’est de problème si grave qu’une absence de solution ne finisse, à la longue, par régler. Tout est dans le « à la longue ».

 

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