Antoine Audouard

Blog de Antoine Audouard


FACE AU MIROIR

 L'éditrice Viviane Hamy a édité ou réédité il y a une quinzaine d'années les ?uvres d'un écrivain hongrois magnifique, Deszö Kosztolanyi, admiré entre autres par Sandor Marai, mais dont l'?uvre ne semble pas suivre le même chemin posthume. Cela nous engagerait dans des réflexions mélancoliques sur le temps comme Grand Rectificateur, car voici un auteur qui eut beaucoup de succès de son vivant (dans les années 20), et risque d'être englouti par l'oubli, de devenir un fantôme. 


FAUX PROVERBES

« Vivre à Tiflis, avoir vingt ans et ne pas être aimé, c'est un grand malheur. Pareil malheur m'est arrivé. »

Je suis devenu « collectionneur de débuts ». Prenons une rentrée littéraire au hasard. Supposons sa médiocrité ordinaire : nous ne serons pas surpris. Mais que des écrivains, même sans ampleur ni sujet, ne soignent même pas leur première phrase, ne « donnent pas tout » (comme on dirait en rugby) sur cette première mêlée, voilà qui dépasse l'entendement. On ne leur demande quand même pas de se mesurer avec le narrateur biblique : « Au commencement, Elohim créa les cieux et la terre », ça vous manifeste une assurance qui n'est pas donnée à tout le monde.


UN DETAIL QUI TUE

Une des tartes à la crème de l?écriture créative est le rappel de l?importance du détail : le détail juste qui permet de définir un personnage, de caractériser une situation, d?accumuler une charge symbolique. Il n?est pas surprenant que notre premier maître en ce domaine, dans la tradition occidentale, soit l?un des narrateurs bibliques. Dans la Genèse (XXXVII), le détail auquel nous identifions Joseph est la « tunique à manches » que son père Jacob lui a donnée, parce qu?il l?aime plus que ses autres fils ? raison pour laquelle les frères de Joseph le haïssent.
 


LE CLOU DE STEPHEN KING

Stephen King raconte dans son livre « Ecriture » ses débuts d'écrivain. Ils peuvent inspirer n'importe quel aspirant en n'importe quel genre littéraire. Après s'être fait réprimander par à peu près tous ses profs pour avoir régalé ses camarades d'essais au goût douteux (« Je ne comprends pas, Stevie, pourquoi tu t'obstines à gâcher ton talent en écrivant des ordures pareilles »), il finit par soumettre sa première nouvelle à une revue. Elle lui est refusée et il reçoit à l'occasion son premier conseil littéraire : « N'agrafez pas vos textes, préférez les trombones. »


AU COUDE A COUDE

Depuis Saint-Benoît, nous savons que les escaliers d'humilité se descendent, que son plus haut degré est tout en bas. Les écrivains l'ignorent souvent et c'est dommage. Non seulement on se passerait de quelques exercices d'arrogance et d'exhibitionnisme, mais on se rappellerait que l'humilité, voire l'humiliation, sont nos instruments de travail.


FRANÇAIS COMME LANGUE ETRANGERE

L'un des écrivains de langue française les plus admirables nés au cours des vingt dernières années est un ancien journaliste sportif, spécialiste notamment du cyclisme (ce qui le relie à mon parrain Antoine Blondin, mais c'est une autre histoire), qui parsème ses récits de métaphores empruntées au monde des sports.


LE VIOL DE FIOKLA

Fiokla est un personnage secondaire de la nouvelle de Tchékhov « Les Moujiks » qui déplut au censeur car elle dépeignait la vie des paysans russes d'une façon trop sombre. Elle raconte le destin de Nicolaï, qui a réussi à se placer comme valet de chambre à Moscou mais doit revenir dans sa famille, avec sa femme et sa fille, car la maladie l'empêche de poursuivre son service.


UNE ODEUR DE FOIN (2)

Je me suis demandé si, à plus d'un demi-siècle de distance, en composant son grand roman "Métamorphoses d'un mariage", le Hongrois Sandor Marai s'était souvenu de la notation de Tchekhov sur l'odeur du foin. Car c'est cette même odeur qui, dans un contexte bien différent, accompagne le personnage-pivot de toute son histoire, Péter.


ECRIRE EN COLERE

J'ai longtemps confondu l'inspiration avec l'émotion immédiate. Puis je suis tombé à point nommé sur la recommandation de Tchekhov: "Il faut écrire avec un coeur froid comme la glace". Le plus souvent, une agitation intérieure produira des boursouflures sentimentales, et la confusion des sentiments accouchera de la confusion des expressions.


D'UN PAYSAGE L'AUTRE

"Prends donc quelque chose dans la vie courante, sans intrigue et sans fin" - tel était l'un des conseils du docteur Tchékhov. Ainsi sa nouvelle "la Maison à Mezzanine", nous présente-t-elle un héros oisif et discoureur, peintre qui ne peint pas, amoureux vague d'une jeune fille sans doute laide, et qui disparaît sans qu'un début d'intrigue ait eu lieu.


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