Antoine Audouard

Blog de Antoine Audouard


OFFICIEL : TOUT VA ENCORE MIEUX

Follohoueurs, follohoueuses, ne vous laissez pas gagner par une insidieuse propagande apocalyptique : longtemps circonscrite dans les rapports abscons d'ONG au nom obscur (Giec, Oxfam, WWF, kesaco ?), elle a infiltré les médias : pas un journal qui ne titre sur les horreurs du réchauffement climatique, la culpabilité des Occidentaux, l'irresponsabilité criminelle des milliardaires américains ou chinois qui nous gouvernent en sous-main.

Tout cela n'est - nous l'avons dit, le redisons et le répéterons, n'est que fichaises et balivernes. Respirez : tout va tellement mieux !

Réchauffement climatique ? Regardez : il pleut presque tous les jours, et il fait froid ; nous sommes loin de l'objectif raisonnable du groupe 30/30/30 auquel je vous invite à adhérer sans délai : 30 degrés le 30 décembre 2030, avec quelques efforts nous pourrions y parvenir.

Droits humains ? Les joueurs de l'équipe de France de football ont signé avant de décoller pour le Qatar une lettre dans laquelle ils s'engagent à soutenir financièrement des ONG oeuvrant pour la protection de ces droits.

Je sais, je sais? on vous dira : des centaines de morts, des travailleurs traités en esclaves, tout ça pour la promotion d'un micro-État ayant fondé sa richesse sur l'exploitation du pétrole et la corruption à grande échelle, c'est lamentable. On vous dira : des stades climatisés en plein désert pour que des débiles venus du monde entier regardent des jeunes milliardaires en short s'agiter autour d'une baballe[1], quelle décadence !

Faux, faux, archifaux : le Qatar a pris des engagements précis sur le respect des droits humains et la neutralité carbone de la compétition. Ceux qui critiquent et ironisent sont des racistes et des islamophobes.

Quant au football lui-même, il s'agit du sport le plus intelligent de la terre : il n'y a qu'à entendre une interview de n'importe quel joueur de n'importe quel pays pour s'en rendre compte. Quelle finesse d'analyse, quelle tolérance philosophique admirable, quelle belle résilience, quelle sagesse ne se manifestent-elles pas dans les « voilà » de MM. Mbappé, Benzema, Lloris et autres Griezmann ?

Changeons de terrain et venons-en à l'écologie.
On vous dit : les dirigeants politiques organisent la COP 27, qui est une clownerie mondialement médiatisée destinée à dissimuler le fait qu'ils n'ont rien fait (ou si peu) depuis les COP 21 ou 23, dont ils n'ont pas tenu les engagements pourtant modestes. On vous dit : des géants pollueurs comme Coca-Cola font partie des sponsors de la manifestation et tout ça n'est que greenwashing et compagnie.

Moi je vous dis : en vérité c'est magnifique, les multinationales du monde entier, dirigées par des êtres éclairés, ne recherchent que le bien de la planète. Dans ces conditions, n'est-il pas normal, moral, qu'elles soient récompensées ? Lorsque la marque H & M nous annonce n'utiliser que des textiles écoresponsables, seuls les écolos grincheux à la gretathunberg[2] refuseraient d'acheter leur dernier tee-shirt. Lorsque Uber donne à des jeunes d'origine cailleresque[3] l'occasion de s'habiller en costume cravate plutôt qu'en bermuda ou pantalon de jogging, notre président (loué soit son nom, chantée sa gloire !) n'a-t-il pas raison, mille fois raisons, de favoriser cette entreprise ? Lorsque Amazon monte ses entrepôts dans des coins de campagne reculés et recrute de jeunes travailleurs locaux, y compris des Noirs et des Arabes à qui des responsabilités importantes sont confiées, il contribue au bien être environnemental et social. Il faut être un cégétiste obtus ou un nupiste forcené pour ne pas le voir. Lorsque TotalEnergies bat ses records de profits, tous les vrais écologistes ne devraient-ils pas se réjouir de cette harmonieuse concordance entre morale et profit plutôt que de hurler au loup ?

On vous dit : la liberté d'expression est partout menacée.
Faux, archifaux !

Dans le monde entier, des milliardaires bienveillants se précipitent au secours des médias vieux ou nouveaux pour les soutenir et garantir la liberté d'expression. En France, suivant l'exemple ancien de MM. Lagardère ou Bouygues, MM. Niel et Bolloré dépensent leurs fortunes gagnées à la sueur de leur front pour sauver un vieux journal de gauche fatigué ou permettre à de grands hommes comme MM. Zemmour ou Hanouna d'exprimer librement leur pensée audacieuse et novatrice.

Dans le monde anglo-saxon, M. Murdoch a partout contribué au triomphe de la liberté ; on comptait sur M. Bezos, le génial fondateur de Zonzon, propriétaire du Washington Post, pour être plus actif ; nous avons été déçus, car celui-ci semble pour l'heure s'être borné à laisser la rédaction du journal poursuivre sur la même voie. Nous attendons en général beaucoup  plus de M. Musk ; certes ses voitures, bijoux technologiques admirables, ont un peu tendance à écraser des chiens ou à renverser des êtres humains imprudents, mais son rachat de Twitter annonce une ère nouvelle : l'inepte et inutile politique de « modération » initiée par les anciens dirigeants sera bazardée comme elle le mérite et chacun sera libre de s'exprimer librement : on pourra sans craindre les horribles « wokes » dénoncer les lobbies juifs et les terroristes arabes. M. Trump, injustement banni pour avoir dit la vérité qui dérange, sera réintégré comme il se doit.

À ce sujet, une bonne nouvelle : la candidature de ce bienfaiteur de l'Amérique et de l'humanité, moquée par ses adversaires islamo-communistes et le lobby ploutocrate washingtonien, nous annonce une ère glorieuse.

Avec des chefs aussi décidés que M. Trump, M. Poutine et M. Xi Jinping, comment le monde n'irait-il pas encore mieux ? Souhaitons que M. Macron (loué soit son nom, chantée sa gloire !), cumulant les fonctions de président de la France et de l'Europe, procède aux réformes parlementaires lui permettant d'être réélu pour deux ou trois mandats de plus. Et si cela n'arrivait pas, rassurons-nous : nul doute que ses remplaçants présomptifs, Mme Le Pen ou M. Mélenchon, dont le dévouement à la cause publique est ancien et intense, sauront guider notre vieux pays par les voies de la paix, de la modernité, de la prospérité et du progrès.

Alors voilà la vérité : tout va mieux. Voilà.

Répandez la bonne nouvelle.

Voilà.

 

Référence

Chaque jour, de mieux en mieux : devise du docteur Coué.



[1] Si au moins ils en mettaient une deuxième sur le terrain, comme au flipper, ça pourrait devenir rigolo.

[2] Lexicographe gratuite : un(e) gretathunberg (origine : Greta Thunberg) est un(e) militante écologiste hargneux(se), incapable d'admettre que nos gouvernants et les grandes multinationales n'ont en fait qu'un but : sauver la planète et faire le bonheur de ses habitants.

[3] Lexicographie gratuite : cailleresque (adj.) de « caillera », jeune de banlieue pratiquant des activités délinquantes.


OFFICIEL : TOUT VA BIEN

Follohoueurs, follohoueuses,

Une propagande insidieuse voudrait vous faire croire que le monde est à sa fin mais en vérité je vous le dis, tout ça c’est que fèque niouze et compagnie. La vérité, il faut s’abonner à ce slog pour la connaître.

Ce qu’on vous dit : les températures vont augmenter de 1 à 5 degrés d’ici la fin du siècle.

Ce qu’on ne vous dit pas : c’est génial, ça va être l’été tout le temps et partout ; on aura l’impression d’être en vacances toute l’année.

On vous dit : c’est la sécheresse, on va tous manquer d’eau, comme si on vivait tous au Sahel.

Ce qu’on ne vous dit pas : au Sahel c’est normal qu’ils manquent d’eau, c’est des nègres, ils sont trop cons d’avoir choisi de vivre dans un endroit où il pleut jamais.

On vous dit : on va manquer de gaz, de pétrole, de tout, on ne va plus pouvoir se chauffer.

Ce qu’on ne vous dit pas : avec le réchauffement climatique on n’aura plus du tout besoin de se chauffer, il fera bon toute l’année.

On vous dit : cette Coupe du monde de foot au Qatar est une horreur sociale et climatique ; les ouvriers qui ont construit les stades ont été esclavagisés et sont morts par centaines ; des stades climatisés en plein désert, c’est une abomination.

Ce qu’on ne vous dit pas : les pyramides, les ouvriers avaient des syndicats, des CDI ? et les cathédrales ? Si tu fais les choses dans les règles, regarde ce que ça donne : Paris ! des trous partout et jamais personne qui bosse dedans.

Un autre truc qu’on ne vous dit pas, c’est que le Qatar est merveilleux. Il finance généreusement le Paris Saint-Germain, il rénove la place de la Concorde alors qu’on n’a plus les moyens de le faire.

Ce qu’on oublie de vous dire : s’il y avait un problème avec le Qatar, vous croyez que la France, un des phares mondiaux de la démocratie, aurait soutenu sa candidature (Sarkozy) ou enverrait ses spécialistes pour organiser la sécurité (Macron). Non ! jamais nous ne sacrifierions les droits de l’homme qui sont l’âme de notre grande nation.

Ce qu’on ne vous dit pas non plus, ou pas assez : la France a les meilleurs joueurs de foot du monde et elle est en passe de conserver son titre. Non seulement il fera 30 degrés à Noël, mais on va faire la fête – et en tee-shirt s’il vous please !

On vous dit : après les JO d’hiver à Pékin, où il neige peu, les JO en Arabie saoudite, où il ne neige pas du tout,  on est en plein délire !

On vous dit aussi : l’Arabie saoudite est l’une des pires dictatures au monde, qui assassine ses journalistes dissidents et opprime sa population féminine ; en plus ils mènent une guerre meurtrière au Yémen.

Ce qu’on ne vous dit pas : si quelques Arabes et Arabettes[1] meurent dans des déserts lointains, on s’en fout ! Nous Français on leur vend des armes et on leur achète leur pétrole, donc c’est tout bénef ! Hamdullilah !

On vous dit : la Russie bouffe la Crimée, l’Ukraine, la Pologne bientôt, et si on le laisse faire Poutine va déclencher l’apocalypse nucléaire !

Ce qu’on ne vous dit pas : tout cela ne nous concerne pas. Le président Poutine, qui a des méthodes brutales mais est un homme raisonnable, ne fait que rétablir la Russie dans ses frontières historiques ; s’il s’énerve un peu, c’est que nous l’avons provoqué. Calmons-nous, envoyons à Moscou une délégation d’amis de la Russie dirigée par Mme Le Pen et M. Mélenchon, buvons une centaine de shots de vodka et tout ira bien. Davaî ? dzvaï et na zdorovié!

On vous dit : la Chine, qui nous a envoyé le Covid depuis ses labos secrets, massacre sa population et s’apprête à avaler Taïwan.

Ce qu’on ne vous dit pas : les Chinois sont quand même beaucoup plus civilisés[2] et raffinés[3] que les Russes, qui sont des barbares : donc avec un petit effort et l’aide de spécialistes de l’amitié franco-chinoise, comme M. Raffarin, on devrait pouvoir s’entendre. Ni dé jiankang !

On vous dit : il faut stocker des pastilles d’iode pour le cas de plus en plus probable où une bombe nucléaire nous tombe sur la gueule.

On ne vous dit pas : pour vous charger en iode, il suffit de manger des huîtres.

En bref on vous dit : tout va mal.

Mais moi en vérité je vous le dis, on vous le cache mais c’est officiel : tout va bien.



[1] Novréférence gratuite : Arabette, féminin d’« Arabe ».

[2] Exemples de civilisation chinoise : le kung-fu ; le confucianisme ; le taoïsme ; la brouette de Shanghai ; le riz cantonais.

[3] Exemples de raffinements chinois : le supplice ; le casse-tête.


PAUVRE GABY

C’était il y a trois ans – autant dire au temps des dinosaures. Gabriel Matzneff était encore « Gaby le magnifique », certes un peu « sulfureux », mais reconnu comme un des « granzécrivains[1] », défendu par le jury Renaudot, la mairie de Paris qui le subventionnait, Philippe Sollers, Frédéric Beigbeder, Michel Houellebecq, toute une smala germanopratine au sein de laquelle il avait habilement « réseauté » pendant des décennies de gauche à droite et de droite à gauche. Publié chez Gallimard, chroniqueur au Point, il vendait peu (ou pas), mais faisait partie des « people » du monde littéraireuh.  Son idée sexuelle fixe sur les moins de seize ans garçons et filles, théorisée et mise en pratique, puis chroniquée avec complaisance, pas trèsragoutant, mais pff... la littérature et la moraleuh, vous savez, heu… Enfin vint Vanessa Springora : l’excellent Consentement – bien plus et mieux qu’un livre de dénonciation et de vengeance – fit sauter la digue. Les uns après les autres, les « amis » le lâchèrent, feignant de découvrir des « horreurs » – aventures pédocriminelles dont il s’était vanté dans ses livres depuis quarante ans. Il y eut une vague tentative pour l’absoudre au nom des droits imprescriptibles du grantécrivain qu’il était, adoubé par les susnommés, venant après Emil Cioran, François Mitterrand et Jean d’Ormesson. Patatras ! Le monde est cruel : « Gaby le paria » se trouvait aux prises (enfin !) avec la justice, sans éditeur, sans médias pour le soutenir, seul, tout seul. Il s’en trouva heureusement un, un courageux, pour venir à sa rescousse – et voici que la Nouvelle Librairie, libraire-éditeur « dissident », enseigne de la fachosphère culturelle, n’ayant pas hésité à accueillir M. Le Stylo père, renonce en raison de menaces de mort, à publier un ouvrage au titre engageant, Derniers écrits avant le massacre. D’où provient cette fatwa ? Ces ardents défenseurs de la « liberté d’expression », adorateurs du réac antisémite Charles Maurras, n’en donnent pas le détail.

J’avoue mon soulagement personnel à l’idée de n’être pas exposé à l’abjecte et minable prose de faux grands au style ampoulé et prétentieux, mais je m’étonne de l’abstention de tous ses ex-amis. N’était-il pas, hier encore, un Bataille, un Genet ?
Nan, il est tout seul et ils ont tous changé de numéro de téléphone portable. Quant aux bourses, aux subventions, bernique ! Le grantécrivain n’aura plus les moyens de ses voyages à Manille à la recherche de jeunes gens glabres (essai : « La haine du poil dans l’œuvre de Gabriel Matzneff ») ni de l’hôtel italien quatre étoiles où il se remettait il y a deux ans de la méchanceté de son ex – rappelons qu’elle avait treize ans quand il a commencé à la draguer et quatorze quand il l’a consommée. C’est ce qu’il appelait il y a peu « une belle histoire d’amour », que la vindicte de Mme V. a gâchée.

Moi je dis : pauvre Gaby.

 

Références

Pour montrer, follohoueurs, follohoueuses, que je ne suis pas sectaire, une citation attribuée à cette ordure de Maurras[2] et qu’on peut conseiller à ce pauvre Gaby de méditer : « On dit qu’il ne faut pas frapper un homme à terre. Mais alors, quand ? »

L’excellent Consentement, de Vanessa Springora, publié à l’origine chez Grasset, est aujourd’hui disponible dans la collection Le Livre de Poche (7,40 euros).

Quant au corpus matznévien, il est à ma connaissance disponible sur commande en librairie et chez Zonzon. Sur ce que j’en ai lu, perdez pas votre temps, follohoueurs, follohoueuses,  mais si vous y allez quand même  et découvrez que c’est de la  merde en barre, ne vous plaignez  pas, je vous aurai prévenu. Ouch, je retourne à Léo Malet…



[1]  Pluriel de « grantécrivain ».

[2] Que le cul pèle à tous ceux qui le rééditent et le promeuvent au nom de la « liberté » !


BOBIN POUR MES AMIS

Le poète Christian Bobin est entré depuis si longtemps dans les programmes de français dézécoles qu’on pourrait le croire mort.

Or non seulement il ne l’est pas, non seulement il continue à écrire, mais tout en restant lui-même il continue à provoquer chez nous, « bobinistes[1] » ou non, ces étonnements heureux des phrases qui, aussitôt lues, font partie de nos sources intérieures.

Tirées de son dernier petit livre, je voudrais en dédier quelques-unes à certains de mes amis.

À Bizot (et à Todorov aussi), l’exergue : « Mandelstam racontait qu’ayant entendu pour la première fois le mot “progrès” à l’âge de cinq ans, il avait fondu en larmes, pressentant quelque chose de fâcheux. » (Nadejda Mandelstam, Contre tout espoir. Souvenirs, tome II).

À Bizot également : « La moderne mise à mort fait l’économie du bourreau. La victime tient tous les rôles. »

À Chakra G. : « Terrible amitié des écrans qui ne dorment jamais. » Et la phrase suivante qui est aussi pour Daniel Rondeau : « Plus d’âmes ? que des clients. »

À mes amis en général, cette définition avec laquelle je ne suis pas certain d’être d’accord, mais qui me plaît de toute façon : « Un ami, c’est quelqu’un à qui on fait le cadeau de s’étonner. »

À Lydie « LaKing », Géraldine  et  mes amis fumeurs : « Il suffit pour éclairer la vie entière de la braise d’une cigarette dans les rues où deux amoureux se raccompagnent l’un l’autre jusqu’au petit matin, triomphe du muguet rouge. »

À Chakra G. encore, à mes amis végétariens/taliens : « Descartes, mon pauvre René, qu’est-ce qui t’a pris ? Tu dis des animaux qu’ils sont des machines ? Mais les trois secondes où le chat après manger se lèche les babines, c’est d’Artagnan qui s’essuie les moustaches après un festin ! »

À Bizot : « La calligraphie fut inventée au Japon au ive siècle d’après des empreintes de pas d’oiseaux sur le sable des plages. Au xxie siècle, le monde travaille à effacer les oiseaux et l’écriture manuscrite […]. »

À Bizot, toujours : « Le balai du progrès est passé sur le langage. Dieu pèse moins qu’une miette de pain. On l’a jeté aux oiseaux du jardin puis on a terrifié le jardin, lapidé les oiseaux. »

À Julie, pour qu’elle se souvienne : « Le métro transporte sa cargaison de visages gris. Une jeune femme entre dans le wagon avec son bébé endormi dans la poussette. Le sommeil du nourrisson engendre un soleil de plusieurs mètres de diamètre. »

À Julie toujours et à Bruce « Bruto », le romano-grec de Chicago : « De la lumière monte d’un livre lu par mon voisin. Je lui demande ce qu’il lit : “Plutarque.” Je comprends mieux mon étonnement : la lumière venait du premier siècle. »

À Nata : « La poésie est don de lire la vie. » Et : « Éclairer une seconde, c’est éclairer pour toute la vie. »

À Bizot : « La modernité est le crime parfait. Même le mort ne s’aperçoit pas qu’il est mort. »

À Vincent : « Les publicitaires sont des thanatopracteurs d’un genre particulier : ils travaillent à rendre mort ce qui était vivant. »

À Chakra G. et à Denis : « Entre notre vie et nous, un hygiaphone. Notre ange ne vient plus au parloir. »

À Yvan, Bizot et Bruce : « Je voudrais être enterré dans une bouteille de whisky pour maturer, et qu’on y ajoute une queue de lézard pour donner du goût. »

À Denis et Léo : « L’absence, le vide, le manque, qu’avez-vous fait d’eux ? C’était notre seul bien. »

À Philippe C. :de Dora Diamant, la dernière compagne de Franz Kafka,« C’était le plus gai des compagnons, diras-tu. Et personne ne te croira. »

Au même : « Sur la tombe de Dora Diamant, à Londres, un brin de muguet rouge, et ces mots : “Seul qui connaît Dora sait ce qu’aimer veut dire.” »

À Marylène de Fontvieille : « Les fleurs sont des questions qui viennent vers nous et nous supplient de ne pas répondre. »

À Nata : « Je n’ai jamais rien su faire dans le monde que m’asseoir sur les marches d’un poème et mendier. »

À Philippe D., biographe de Grothendiek : « Je suis une lampe dans une cuisine du petit village de Lasserre, dans l’Ariège. Je brûle la nuit au carreau, la nuit du Temps et celle du monde, qui voudraient m’empêcher d’éclairer mon maître, Alexandre Grothendieck, génie des mathématiques, en rupture de tout milieu, fou et doué de l’indomptable santé de l’enfance. De dix heures du soir à sept heures du matin, sur la table ronde de la petite cuisine, il écrit. Des milliers de pages. Sur la vie, sur les chiffres qui sont un bracelet angélique trituré par les militaires et tous les sinistres domestiques de la communication et autres étoiles mornes et mal famées. Il écrit sous ma chaleur, ma confiance lumineuse. Depuis vingt ans il ne voit personne, que les plantes et les herbes folles, ses amies. Sa maison est cernée de muguets rouges – muraille contre le monde et toutes les conventions, infranchissable d’être légère. Il parle de l’âme et du cœur. Les âmes travaillent la nuit comme le bois des poutres anciennes. »

À Nata et Antoine, mes totos : « Tout homme est un poète qui meurt à l’hôpital de la Conception à Marseille. »

Aux mêmes, et à Denis : « La poésie est don de lire la vie. Est poétique toute concentration soudaine du regard sur un seul détail, que provoque notre désir enfantin de ne jamais mourir. »

À Marie-Odile : « Sans arrêt passer dans les chambres de papier, que personne ne dorme, que même les virgules et les points restent éveillés jusqu’à la fin du monde. »

À Léo, à Daniel : « Nous avons broyé les jambes de l’Éternel. Il ne peut plus faire un pas vers nous. »

À Bizot : « Un petit manège tourne, allumé dans la nuit comme un chagrin merveilleux. »

À Peggy R. : « La momie dans le scanner éclate de rire. »

À Léo : « Les chiens électroniques perdent leur flair devant un cœur en crue. »

À Léo et à la mémoire de Mireille Guyonnet et de Jacqueline du Pré : « Il fait froid, j’allume la Troisième Suite de Bach. Violoncelle, gros chien d’avalanche. La musique va et vient dans la pièce comme les volutes d’un bon tabac. Elle ne fait aucun bruit. »

À Bernard : « Un homme hanté se multiplie. Il porte à son poignet un carré plus noir que la nuit où s’est pendu Nerval. »

À Karin : « La porte du Paradis grince merveilleusement. »

À Louis : « La délicatesse d’un seul arbre, fût-il le dernier sur cette terre, remettra tout en place, en ordre. En vie. »

À Denis, Fred et Léo : « Recevoir sur la main une goutte de pluie, une seule, et par ce contact converser avec tous les morts des siècles passés. »

À Bizot : « Tous les mystiques portent un sac de farine sur leur dos. Quand on les suit, on se retrouve tout blanc. Le sac était percé. »

À Yvan : « Poussant les volets, je reçois en plein visage le sourire de mon père disparu. »

 

Références

Christian Bobin, Le Muguet rouge (Gallimard, 2022, 72 pages, 12,50 euros)

Philippe Douroux, Alexandre Grothendieck, sur les traces du dernier génie des mathématiques (Allary, 2016, 272 pages, 18,90 euros)



[1] Bobinos, bobiniens, bobinistes ? Pas bobinards, en tout cas, c’est un moche mot et ça ne conviendrait pas à un poète catholique (quoique… avant sa suppression par Mme Marthe Richard, le bordel a dû sauver du divorce impie bien des couples) ; bobinastes, pourquoi pas ? Bobinomanes ?


AUTRES TEMPS

J’avais vingt ans, c’était tard dans le siècle dernier ; de l’exaltation amoureuse et du mal-être radical de qui n’a pas encore vécu la moindre épreuve de la vie, je tirai un petit roman. Deux cents et quelques feuillets torchés en trois semaines sur une Hermès Baby verte. Le manuscrit achevé, je le donnai à l’écrivain le plus proche de moi : mon père. Je l’avais admiré de loin, de près je l’avais détesté ; nous en étions à cette phase où nous nous fréquentions de façon plus civile ; confronté à son étrangeté, j’apprenais à vivre avec ses contradictions et  débutais l’apprentissage de  mes propres ambiguïtés.

Mon père fut honnête avec moi : il n’allait pas lire mon roman, mais le confier à un de ses vieux amis, le journaliste-écrivain-éditeur Roger Grenier. Quelques semaines plus tard, j’étais dans le petit bureau[1] d’un petit homme dont le regard pétillait de malice derrière les lunettes. S’il n’était son cadet que de cinq ans (Yvan né en 1914, Roger en 1919), il faisait partie de ses jeunes amis, comme mon parrain Blondin (né en 1922), le Niçois Louis Nucéra (1928), José Giovanni (1923) ou Alphonse Boudard (1925).

Yvan et Roger avaient été collègues à France Dimanche. Mon père racontait le talent de Roger, enquêtant sur tel crime paysan particulièrement abominable, pour gagner la confiance de la famille, se faire inviter pour le café ou l’apéro, et se faire remettre les photos qui illustreraient son article.

Pas de traces, hélas, de ces épisodes dans le merveilleux petit livre posthume que le Calamar[2] édite ces jours-ci, mais il y a de quoi se réjouir à chaque page, depuis les deux superbes nouvelles ouvrant ce petit volume jusqu’aux souvenirs d’enfance qui le closent. Les nostalgiques y trouveront l’évocation de mondes disparus et de personnages oubliés, comme l’écrivain Henri Thomas, que mon cher Bizot ne connaît que comme traducteur français de Junger.

J’ai croisé quelques-uns de ceux qu’il évoque, comme Robert Gallimard, l’« oncle Robert », de mon amie Anne ; j’allais parfois mourir d’ennui dans de longs dîners où il était question de véritables écrivains comme « Jean-Paul » (Sartre) ou « Albert » (Camus). « Oncle Robert » a rejoint le territoire des fantômes que nous gagnons tous à notre heure et où nous nous effaçons.

Point besoin d’avoir une âme de ci-devant pour se réjouir  du livre de Roger, car ce grand lecteur de Tchekhov a, comme son maître, le sens de la concision et du détail juste – toutes qualités qui font merveille lorsqu’il évoque son expérience de « nègre » de Charlie Chaplin, l’enterrement d’André Gide, une visite au président tunisien Bourguiba, le passage des poètes beat américains à Paris  ponctué par l’effondrement de Jack Kerouac ivre mort au pied du perron de son éditeur français, ou les rapports fluctuants de Jean Giono avec les ascenseurs ; quelques « stars » passent, comme  l’académicien Marcel Achard, dont je possède une réjouissante lettre d’insultes à mon père, mais aussi Raymond Queneau ou Simone de Beauvoir, mais on ne prend pas moins de plaisir à lire les portraits de curieuses et anonymes figures : un employé du syndicat d’initiative de Pau, un vieux mondain assez vain, un ancien légionnaire, un innocent cocu, un journaliste  belge capable de prédire les suicides, un vieil aristocrate se vantant de posséder le poignard de Ravaillac, un descendant du meurtrier de Pouchkine.

Discret entre les discrets, histoire de ne pas se faire remarquer, Roger a évité d’atteindre le siècle : il est mort il y a trois ans, âgé de « seulement » quatre-vingt-dix-huit ans, un chiffre tchékhovien. « Tu me demandes où je me situe » [dans le classement des artistes russes qu’il établit], écrit en substance Anton Pavlovitch à un de ses correspondants, « et je te répondrai : à la quatre-vingt-dix-huitième place ».

J’ai eu la chance de rendre à Roger une visite dont j’ignorais qu’elle serait la dernière : quelques mois plus tôt, il s’était fracturé le col du fémur ; déjà il était retourné chez le Calamar prendre connaissance avec son éternel appétit de la pile de manuscrits qui l’attendait sur son bureau ; il fourmillait de projets et d’envie de vivre.

Références

Les Deux Rives,deRoger Grenier, Gallimard, 140 pages, 15,50 euros.

(Belle) préface d’un autre discret écrivain-éditeur (ou éditeur-écrivain), Jean-Marie Laclavetine.

 



[1] En voyant le film Dans la peau de John Malkovich avec ses espaces confinés et ses demi-étages, j’ai cru me retrouver dans les locaux de la rue Sébastien Bottin, devenue Gaston Gallimard, où  j’ai toujours  ressenti un étouffement particulier.

[2] Référence gratuite : ainsi Raymond Queneau surnommait-il la maison Gallimard : petit animal cracheur d’encre.


POURQUOI ÉCRIVEZ-VOUS ?

Dossier dans Libé, dossier dans le Monde, le magazine littéraire : question posée à des « écrivains importants » - jamais à moi.

Pourtant c'est une excellente question, je vous remercie de l'avoir posée à d'autres parce que justement je me le demandais.
D'abord, j'en sais rien et après tout quelle question à la mords-moi l'noeud ! Est-ce qu'on demande à un arbre pourquoi il pousse ? (mauvais exemple)
Est-ce qu'on demande à une baleine pourquoi elle crache de l'eau ? (autre mauvais exemple) ; à un singe pourquoi il saute d'arbre en arbre ? (mauvais exemple) ; à un lion pourquoi il court dans la savane ? (encore un très mauvais exemple : il chasse, banane, tu sais quoi ?)

Est-ce qu'on demande à un maçon pourquoi il maçonne ? à un paysan pourquoi il sème ? à un chasseur pourquoi il chasse ? un cuisinier pourquoi il cuisine ?  un épicier pourquoi il épice ? un banquier pourquoi il banque ? un voleur pourquoi il vole ? un jardinier pourquoi il plante ? un joueur de foot pourquoi il joue au foot ? un boxeur pourquoi il boxe ? un cycliste pourquoi il roule ? un politicien pourquoi il politique ?

Chacun d'eux pourrait répondre  « parce que c'est comme ça », « parce que  le reste m'emmerde », « parce que je ne sais rien faire d'autre ». Très peu diraient « pour la thune »  et quelques-uns peut-être, « pour plaire aux filles » (ça c'est piano-bar) - voire « parce que ça s'est trouvé comme ça », « parce que j'ai échoué ailleurs.»

Si on accepte de réfléchir à la question, on peut remonter dans le temps et chercher des filiations, des rencontres? Il y a des Tchekhov, des Camus, dont la vocation arrive du fond d'une sordide boutique, de l'analphabétisme absolu et brutal ; pour ceux-là, une rencontre les éclaire, les libère. Aussi nombreux sont les fils (ou filles, ou petits-enfants de) qui sont tombés dans la marmite des mots quand ils étaient petits.

Il y a ceux qui ont écrit aussi longtemps qu'ils s'en souviennent, ceux  qu'un désastre intime ou plus vaste a forcés à se coucher sur du papier. Il y a ceux qui écrivent pour échapper à la souffrance, ceux qui la grattent, la fouillent jusqu'au sang. Il y a ceux qui écrivent emplis d'amour, ceux (parfois les mêmes, en d'autres temps), qui écrivent le coeur chargé des peines d'un amour perdu. Il y a les enchagrinés, les jubilants, les colériques, les tendres, les furieux, les doux, les pleins de foi, les revenus de tout ; certains écrivent pour être aimés, d'autres pour être détestés, certains pour découvrir le monde, d'autres pour se comprendre ; pour certains, c'est un amusement, un jeu, pour d'autres une affaire sérieuse, tragique ; certains entrent en transe, d'autres fuient la folie qui rôde au coeur de leurs effrayantes nuits ; certains s'échappent et d'autres s'y retrouvent.

Peut-être sommes-nous déterminés, « programmés » si l'on veut : si j'écris, c'est peut-être pour accomplir le rêve de mon grand-père avignonnais, qui  obscurément noircissait des pages en provençal ou en français ; pour consoler ma mère, journaliste-écrivain dont l'ambition  personnelle s'étiola peu à peu dans l'ombre d'un journaliste-écrivain plus célèbre qu'elle ; pour prolonger le rêve de mon père qui, quelques mois avant sa mort, presque aveugle, affaibli, rêvait encore d'écrire ce grand roman que, pris par les tâches du chroniqueur et piégé par sa propre facilité, il n'avait jamais entrepris. Peut-être que je n'avais pas le choix. Peut-être parce que je ne sais rien faire d'autre, à part les oeufs brouillés et la ratatouille. Et puis parce que rien d'autre ne m'intéresse vraiment et que j'ai du mal à ne faire rien (ne rien faire je sais, comme tout le monde :  traîner au bistrot, regardouiller une série netteflixe) Et pourquoi c'est  arrivé, est-ce que j'aurais eu mes chances comme guitar hero (mon rêve à quatorze ans), j'en sais rien et au fond je m'en fous.

Pour  moi, pour nous tous, à un moment c'est simple : il n'y a plus de pourquoi ; c'est comme ça.

 


LE DÉTAIL QUI TUE

Une des phrases les plus citées de Tchekhov est celle où il affirme qu'au théâtre, si l'on voit un pistolet dans une scène du début, ce pistolet doit nécessairement être utilisé avant la fin de la pièce.

En regardant Dillinger est mort, j'ai trouvé une illustration inattendue de ce principe.
Peu de temps après que le personnage de Glauco (Michel Piccoli) a découvert dans un journal des images de la carrière et de la mort du célèbre bandit John Dillinger, il retrouve chez lui un vieux pistolet emballé dans du papier. Celui-ci sera-t-il utilisé et pourquoi ? Avec Ferreri, qui a le premier (?) décelé le danger chez Piccoli, tout est possible : plus tard dans le film, le pistolet repeint dans les tonalités psychédéliques de l'appartement se transforme dans les mains du héros en une sorte de jouet. Qu'y avait-il à craindre ? Rien, vraiment. À peu de scènes de là, Glauco dégotte une vieille boîte de balles qu'il dépose une à une dans son assiette. Pour les manger, les avaler comme des vitamines ? non : il charge le pistolet avec lequel, dans la scène suivante, il va tuer sa femme avant de s'enfuir.

Sans vouloir surinterpréter, maladie courante du critique ou du cinémane, tout cela est très ambigu. Glauco nous a été présenté au long du film comme en proie aux aliénations de la société moderne. Son crime accompli, il peut se libérer, s'enfuir, plonger dans la grande bleue sur laquelle une porte s'ouvre miraculeusement et monter à bord du yacht luxueux où l'attend une jeune milliardaire séduite par lui dès qu'elle l'aperçoit.

 

Références

Dillinger est mort, de Marco Ferreri, 1969, avec Michel Piccoli, Annie Girardot, Anita Pallenberg.

Vivre de mes rêves, lettres d'Anton Tchekhov, choisies, traduites et présentées par Nadine « Nadioucha » Dubourvieux, préface de bibi, Robert Laffont, collection « Bouquins », 2008.


THAT'S WHAT I WANT

Dans l'avion pour New York je lisais le volume « Best American Magazine writing 2010 » et j'ai ressenti ma « 30.000 feet epiphany » - ma révélation de fin d'année, celle qui va faire de moi l'écrivain qui a découvert un truc que personne n'a su avant lui...

Attachez vos ceintures ! Prêts ?

L'argent est partout. La preuve:

 

Je sais, c'est peut-être un peu décevant et si vous avez l'impression d'avoir lu ça quelque part, vous n'avez pas forcément tort. Simplement - et sans vouloir me défendre - je ne me l'étais pas formulé comme ça...


LETTRE D'AMOUR À FRANÇOIS MOREL

Mon Toto,

Après quelques dizaines d'années de pratique hétéro, je crois à peu près établi que toi et moi ne sommes ni gays ni bi. C'est pourquoi tu ne peux te méprendre sur le sens de ma déclaration - car c'en est une.

Je t'aime, c'est comme ça - ce qu'en droit, je crois, on appelle une « formalité substantielle ».

Je ne te désire pas mais j'aime tout ce que je connais de toi - les détails et le tout : ta voix, ton poids, ta légèreté, ta façon de danser avec la vie, ta générosité, ton inventivité, ton plaisir d'être seul en scène, ton plaisir au moins égal de la partager avec un groupe d'artistes de music-hall aussi cinglés et talentueux que toi, comme dans le spectacle que vous donnez ces temps-ci au théâtre du Rond-Point, Tous les marins sont des chanteurs est, de la première à la dernière seconde, plein de tout ce qui nous donne envie d'aller dans une salle plutôt que de rester allongés sur le canap' à patauger devant netteflicse : du rythme, de la poésie, de l'émotion, de bonnes tranches de rigolade aussi ! L'histoire en chansons d'Yves-Marie Le Guilvinec, marin poète breton ayant (ou non) vécu de 1870 à 1900 n'est pas seulement un hommage à la Bretagne et à la mer par un Normand qui n'a pas le pied marin, c'est une heure et demie enchantée d'où l'on sort avec aux lèvres le sourire, des chansons plein les poumons et la joie au coeur - sans parler de cette imperceptible touche de nostalgie qui accompagne ce qui est beau.

Follohoueurs, follohoueuses, embarquez sans délai avec le capitaine (ou moussaillon) Morel et son équipage fou de musico-chanteurs-acteurs ! Et préparez-vous à chanter avec eux La Paimpolaise, Avec le thon et autres hits signés Le Guilvinec.

Référence

Tous les marins sont des chanteurs, François Morel, Gérard Mordillat, Romain Lemire, Muriel Gastebois, Antoine Sahler, Amos Mah.
Au théâtre du Rond-Point à Paris jusqu'au 3 juillet. Sûrement une nouvelle tournée après mais ils en reviennent tout juste, les marins poètes, faut ben qu'y s'reposent un peu, mon toto et ses potos.

 


ÉCLOSION

Un jour de décembre 2010, à la fin du cours de journalisme narratif que je donnais à l'école de journalisme de sciences Po, une de mes étudiantes, celle qui ne parlait presque jamais, est venue me demander si ça ne m'ennuyait pas trop de jeter un coup d'oeil au manuscrit d'un de ses amis. C'est ainsi que je suis entré dans l'univers de Sabri Louatah pour n'en plus sortir. A l'époque son projet s'appelait « nous les enfants d'Algérie » avant de devenir «  Les Sauvages ». J'en ai lu le premier tome - le seul écrit à l'époque même si Sabri, comme tous les artistes, avait des visions très précises de ce que serait l'ensemble achevé. J'ai été épaté, soufflé par l'ambition, le rythme, l'écriture - pas ordinaire un « débutant » imprégné de Nabokov et de Saul Bellow qui avoue que son but est de retrouver la grande tradition du feuilleton romanesque du XIXe européen avec les moyens des séries américaines modernes, parvenir à cet effet hypnotique de « dépendance » addictive où le spectateur  est obsédé par une seule chose : savoir la suite?


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