Antoine Audouard

Blog de Antoine Audouard




Jamais sans mon Gabin

 (Gab-5)

Sur les films, je n'ai rien contre la VOD, mais que ce soit par vertu (vive le droit d'auteur !), pusillanimité (un super-gendarme va-t-il jaillir de mon ordinateur et me passer des menottes ?) ou manque de savoir-faire, je ne pratique pas le streaming ; je continue donc à apprécier les DVD, surtout ceux où l'éditeur a fait l'effort de proposer quelques suppléments valables (le pire en ce domaine, c'est René Château qui ne propose à peu près rien qu'un lien Internet, quelques reproductions d'affiches et de la promo pour les livres René Château, voire un pitoyable quiz).

Mon top 8[1] des Gabin d'avant-guerre : La Grande Illusion, Les Bas-Fonds, Pépé le Moko[2], Le Quai des brumes, Gueule d'amour, La Belle Équipe, La Bête humaine, Le Jour se lève, Remorques.

Mon top 14[3]-18 des Gabin d'après-guerre : La Traversée de Paris, Le Rouge est mis, Les Misérables (M. Tulard, auteur du monumental Dictionnaire du cinéma de la collection « Bouquins », qui exècre Le Chanois et Delannoy, qualifie ce dernierdenullissime), Le Sang à la tête, Archimède le clochard, Touchez pas au grisbi, French Cancan, Maigret tend un piège, Maigret et l'affaire Saint-Fiacre, Gas-Oil, Mélodie en sous-sol, Un Singe en hiver, Des Gens sans importance, Le Cave se rebiffe, Le Pacha, Le Clan des Siciliens, Deux hommes dans la ville, La Horse, Le Chat.

Un cas à part : je ne sais si je recommande L'Affaire Dominici (Claude Bernard-Aubert, 1973, rien vu d'autre de ce réalisateur)[4], un des seuls Gabin notables que je n'avais pas vus, mais il y est exceptionnel, en patriarche taiseux de Lurs, et ça fait plaisir de reconnaître quelques visages dans les rôles secondaires : Victor Lanoux est un fils faible et perdu, Gérard Depardieu un petit-fils un peu voyou (va savoir pourquoi ça lui va bien), Paul Crauchet un flic acharné mangé par son obsession ; à noter Geneviève Fontanel, épatante d'ambiguïté en bru qui se tait soit parce qu'elle ne sait rien, comme elle le dit et le répète, soit parce qu'elle épouse à l'extrême la valeur de base de la vie de son beau-père, le silence. Le film lui-même est ambigu : son épilogue où l'on voit apparaître le vrai défenseur des Dominici, le ténor du barreau marseillais Émile Pollak, signe le banal film à messages : « les vrais coupables n'ont pas été démasqués », « mes clients sont innocents », « plus jamais ça ! », mais il y a de bons moments de cinéma et Gabin lui-même, avare de mots, tout de lenteur et de fureur contenue, est? Gabin. Très différent et puissant à sa manière, sera Michel Serrault trente ans plus tard dans une autre version de l'affaire (L'Affaire Dominici, de Pierre Boutron[5], avec aussi Michel Blanc, assez loin des Bronzés, et épatant en petit flic teigneux et ambigu), d'ailleurs non élucidée à ce jour et qui ne le sera sans doute jamais.

Un deuxième cas à part, c'est le troisième (et dernier) Maigret, Maigret voit rouge (Grangier, 1963). Pas forcément le top du scénario, mais on entend qu'il parle (bien) anglais et en dehors de l'incontournable Frankeur, on a droit dans des rôles secondaires à Michel Constantin, Edward Meeks (enfant j'ai croisé cet acteur, qui était avec Jess Hahn et Eddie Constantine un des Américains du cinéma français), Marcel Bozzufi et Françoise Fabin ( ah ! ces mollets[6] !)

Quelques nanars (ou « boulons », comme dit mon ami Choo-Choo) : La Bandera (Julien Duvivier, 1935) un des premiers grands succès de Gabin avant-guerre, et de l'aveu même de sa vedette, à la limite du regardable. Pour la curiosité, Annabella, Viviane Romance et Robert Le Vigan dans les rôles secondaires. Le film est dédié par Duvivier au général Franco[7]. Pas lu le roman de Mac Orlan d'où il est tiré, mais ce qui passait (peut-être) à l'écriture donne un scénario absurde, chargé d'invraisemblances et de pitoyables coups de théâtre.

J'ai cité Golgotha (Duvivier, 1935) - une bonne histoire à la base, même si on connaît la fin -, c'est assez lourd et empesé malgré les grands acteurs (dont Edwige Feuillère, épouse de Gabin/Ponce Pilate dans le film et à laquelle le facétieux ne s'adressa plus désormais qu'en l'appelant « madame Ponce ») ; dans le genre Jésus je préfère l'étrange L'Évangile selon saint Mathieu de Pasolini, La Dernière Tentation de Christ de Scorsese et surtout l'indépassable film des Monty Python La Vie de Brian.


Après cette divagation christique, revenons à nos nanars.
Je n'ai vu que des extraits de son premier film (Chacun sa chance,1930), une comédie légère où il pousse la chansonnette aux côtés de sa partenaire (et première femme) Gaby Basset ; idem des Gaietés de l'escadron (Maurice Tourneur, 1932), où il partage la vedette avec Raimu et Fernandel, mais ça m'a bien l'air d'être le degré au-dessous de zéro du comique troupier ; ayant comme Fernandel fait ses débuts sur les planches dans des numéros de comique et de chanteur, Gabin avait un vrai lien d'amitié avec le Marseillais. Après avoir mené chacun de leur côté des carrières à succès, ils se retrouvèrent pour créer une société de production commune. Las ! La GAFER ne produisit qu'un film où ils partageaient la vedette. Deux des plus grandes stars du cinéma français en tête d'affiche, le succès était assuré. Les jeunes producteurs-acteurs s'entourèrent de bons professionnels : Pascal Jardin et Claude Sautet pour le scénario, et Gilles Grangier pour la mise en scène? Le résultat : démoli par la critique, boudé par le public, L'Âge ingrat fut un four et marqua la fin de la GAFER. Une soixantaine d'années plus tard, le film reste à peine regardable. La minceur du scénario, la succession incohérente des rebondissements sub-courtelinesques gomment le plaisir passager de revoir la jeune et durablement délicieuse Marie Dubois ou l'excellent Noël Roquevert. Quant aux stars, l'inintérêt fondamental de leurs personnages et la débilité définitive de l'intrigue les poussent à en faire des caisses ; en étant des parodies d'eux-mêmes, ils parviennent à peine à nous faire sourire de temps en temps et ne font que souligner l'inanité de la faible aventure où ils se sont imprudemment lancés. Pourtant, même si ce n'était pas son registre naturel, Gabin peut être bon dans une comédie, à condition qu'elle raconte une histoire. En duo avec Darry Cowl, aidé par Bernard Blier, Julien Carette, Dora Doll et Roquevert, il avait excellé dans Archimède le clochard. Lorsque dans deux scènes du film il danse et chante, il est émouvant de voir cet homme alourdi vivre sans retenue ni ridicule un moment de sa jeunesse - ici, le personnage de Gabin colle parfaitement avec le personnage joué par Gabin et tout en riant de bon coeur, on est gagné par une forme d'émotion assez poétique : vers la fin du film, c'est joli, de voir cethomme seul qui s'éloigne en dansant pieds nus, ses chaussures à la main, sur la plage de Cannes, mais c'est poignant aussi.

Quant aux Vieux de la vieille (Gilles Grangier, 1960), il paraît que c'est un film « important », car c'est le premier où Gabin (quarante-cinq ans à l'époque du tournage) se vieillit pour se rapprocher de ses deux co-stars (Noël-Noël, soixante-deux ans, et Pierre Fresnay, soixante-trois) pour former un trio de vieillards indignes ; à mon humble avis, c'est tout simplement affligeant de bout en bout. Triste de penser que c'est le dernier film tourné par l'excellent Pierre Fresnay, autrefois partenaire du jeune Gabin dans La Grande Illusion, et qui affectait tout au long du film un faux accent charentais grotesque à côté du faux accent berrichon de Noël-Noël et de l'accent normand (un peu plus juste) de Gabin. Ça se veut un road-movie de trois vieux insupportables, mais ce n'est que long et ennuyeux - à deux ou trois gags près. Ça devait (peut-être) passer en livre grâce à la vivacité de l'écriture de René Fallet et l'intervention d'Audiard n'a pas suffi pour en faire une histoire qui tienne un tant soit peu la route - ça reste une série de sketches assez faibles. Pourtant Grangier, modeste artisan tout-terrain assez injustement sous-estimé, si ce n'est méprisé, savait y faire en comédies comme en témoigne la suprêmissime Cuisine au beurre (1963) où règne le couple Fernandel-Bourvil?

Pas vu Monsieur (Le Chanois, 1964), que M. Tulard qualifie de « pitoyable », mais j'aimerais bien parce qu'aux côtés du « Vieux » débute[8] la future « grande sauterelle » Mireille Darc, que j'ai eu la chance de croiser deux ou trois fois plus tard dans sa vie (j'ai réécrit quelques répliques d'un oubliable téléfilm dont elle était la star et pour me remercier elle m'a invité à l'accompagner dans un cinéma des Champs-Élysées voir La Leçon de piano, le beau film de Jane Campion. On a même pris un thé après). Dans le genre navet, mon ami Vincent « King » et moi avons regardé effarés l'indigent Tatoué (Denys de laPatellière, 1968) : pour compenser le creux du scénario, Gabin et de Funès cabotinent à tout va. Il y a un running gag de niveau moins que zéro, les rebondissements sont absurdes et longuets (c'est terrible, quand 1 h 31 de comédie, ça n'en finit pas) ça nous a peinés parce que c'est un sujet de Boudard et Alphonse, c'est Alphonse - et que Jardin a participé au scénario et écrit les dialogues, où il fait du sous-Audiard pour masquer l'incohérente et radicale inanité de l'histoire. Plus de trois millions d'entrées à l'époque, OK, mais ça vaut pas un pet de lapin. Paraît que Gabin et de Funès, tous deux méga-stars à l'époque, étaient très contents à l'idée de tourner ensemble pour la première fois depuis La Traversée de Paris mais ça s'est mal passé. Un peu à cause de la différence des personnalités : Gabin qui veut que tout soit en place pile-poil et de Funès qui improvise sans arrêt. Questions d'ego aussi : visionnant les rushes, quand l'un des deux préfère une prise, l'autre en préfère une autre. Franchement, vu le résultat, z'auraient mieux fait de s'abstenir. Du même La Patellière, le calamiteux Le Tueur (1972), avec son scénario sans queue ni tête malgré quelques bons dialogues de Pascal Jardin, ne résiste en (petite) partie qu'à cause de la qualité des acteurs : Bernard Blier (« le Bernard ») en patron de la Sûreté, Fabio Testi, pas si mal en Alain Delon du pauvre, la jeune et mignonne Uschi Glas, sans oublier Félix Marten (pas mal !), Ginette Garcin et un certain Gérard Depardieu promis à un bel avenir. Pour la curiosité, chanson de Ricky Shayne, pseudonyme de George Albert Tabett, un rocker français (un « sous-Johnny » si on veut être méchant), ayant fait une honnête carrière dans les pays germanophones. Il y a sûrement d'autres Gabin calamiteux, mais je ne les ai pas tous vus et ne vais pas me lancer dans la liste de ceux qui sont simplement moyens.

Top 14-18 des noms : le sien est hors compétition : Jean Gabin Alexis Moncorgé, Gogol et Tchekhov, qui partageaient (entre autres) un goût pour les noms marrants, auraient adoré. Pour  en revenir à Gabinski et à ses noms de cinéma, il en a eu une belle collection ; passons sur ceux où il n'a qu'un prénom, avec ou non sobriquet,  citons d'abord les noms de famille à consonance bien française (les Bouin, Grivot, Cordier, Fricot, Lafarge ; Valois Châtelain ou Châtelard, Maréchal, Rivet, Ruffin, Ledru, Lamy, Viard, Laurent, Ferré, Neveux, Raynal, Lambert, Boulin, Martin, Quentin, Le Guen, voire Malhouin) ; certains  sortent un peu de l'ordinaire[9] ; souchien : Jean-Hugues Guillaume Boutier de Blanville, dit « Archimède le clochard » ; comte Enguerrand de Montignac, ou « Legrain », légionnaire en retraite ; Antonio Sanna, chirurgien ; Nicolas Dange, dit « Nick », agent colonial ; Léandre Brassac, vétérinaire ; Joé Greer, coureur automobile ; Victor Le Garrec, entraîneur de boxe ; Trott Lennard, aventurier ; Raymond Pinsard, mécanicien de locomotive, aveugle après un accident ; André Gobillot, avocat ; Carlo Bacchi, industriel romain ; Victor Messerand, inventeur ; Henri Danglard, directeur de cabaret ; Pedro Savreda, mécanicien ; François Paradis, trappeur ; Martin Roumagnac, entrepreneur en maçonnerie ; Pépel,[10] dit « Waska », cambrioleur ; « Pépé le Moko », caïd parisien coincé dans la casbah d'Alger ; Jean Chappe, camionneur ; Lucien Bourrache, dit « Gueule d'amour », légionnaire ; Ferdinand Maréchal, dit « le Dabe », un truand[11] ; Martousse, mauvais garçon ; le baron Jérôme Napoléon Antoine ; Jean-Marie Péjat, réparateur de vélos ; Richard Briand-Chamery, dit « le commandant », turfiste un peu escroc ; Emile Beaufort, président du conseil ; Léandre Brissac, vétérinaire ; Maître André Gobillot, avocat ; Trott Lennard, aventurier ; Victor Ploubaz, aventurier mythomane ; Noël Schoudler, financier ; Auguste Maroilleur, paysan ; Vittorio Manalese, truand chef de clan ; Germain Cazeneuve, éducateur ; sans compter Gaston Dominici, Jean Valjean, Eugène Lantier, Ponce Pilate, le maréchal Lannes et le commissaire Maigret - et (j'allais oublier) Arsène Lupin dans une opérette.

Quelques jolis sobriquets de Gabin à l'écran (qualité des films non garantie) : Paulo les Diams ; le Dabe ; Max le Menteur, Pépé le Moko ; Père Tulipe.

Top professions : les plus courantes (je ne compte pas) ont été truand en retraite ou non ; mais il a souvent été ouvrier ; mécanicien (Gloria), chauffeur, marin, marchand (de tissus, Chacun sa chance) ou de TSF (Tout ça ne vaut pas l'amour) ;opérateur de cinéma (Coeurs joyeux). Hors-la-loi ou acharné à la faire appliquer, il a pratiqué l'alternance des fonctions : inspecteur de police dès son deuxième film (Méphisto, 1931), il était cambrioleur dans le troisième (Paris béguin), revenant avec régularité aux rôles de soldat ou flic (souvent commissaire) ; il a été paysan à deux reprises ; aventurier parfois il a été aussi - mais plus rarement - ingénieur, contremaître, ou industriel, mareyeur et armateur, juge une fois, avocat, inventeur, trapéziste, garagiste, artiste peintre (Grandgil dans La Traversée de Paris), médecin, vétérinaire, restaurateur - et footballeur aussi ; bibliothécaire une fois, et chef de gang en même temps (ouf !) ; il a été conducteur d'autos, de trains, de péniches, pilote de bateaux, chauffeur de camions - jamais pilote d'avion à ma connaissance ni de fusée, je ne vois pas dans sa longue filmo de film d'aventures spatiales. Déjà que selon Lautner il râlait de devoir insérer sa masse dans un « suppositoire » ( la Matra du Pacha), je ne le vois pas trop grimper à bord d'une capsule mise en orbite autour de la terre, même s'il avait eu Sandra Bullock comme partenaire.[12]

Top partenaires féminines : la plus connue est Michèle Morgan (Le Quai des brumes, Remorques) mais il y a la belle Dita Parlo de passage dans La Grande Illusion, la belle et très méchante Viviane Romance dans La Belle Équipe, moins méchante dans La Bandera où transite la belle Annabella ; superbe Arlettydans Le Jour se lève ; la glamoureuse Simone Simon (La Bête humaine),c'est pas rien, et Mireille Balin (Gueule d'amour, Pépé le Moko) a les plus beaux mollets du cinéma français avant Jeanne Moreau qui sera la jeune et pétulante amante du vieillissant Gabin dans Gas-oil.

Après guerre, il y aura aussi Danièle Delorme, bien mignonne en Fantine (Les Misérables)et toujours mignonne, mais dangereuse (Voici le temps des assassins), Françoise Arnoul, ravissante débutante dans French Cancan  et touchante dans Des Gens sans importance, et bien sûr Bardot : il paraît que, malgré le plaisir de retrouver « madame Ponce », Edwige Feuillère, qui jouait (très bien) le rôle de légitime épouse, Gabin était gêné de tourner les scènes les plus osées d'En cas de malheur face à la plus hot des jeunes actrices françaises - cette gêne dont Autant-Lara a su jouer fait partie de l'intérêt du film et enrichit l'ambiguïté de ce personnage d'un homme désabusé et vieillissant tourmenté par le « démon de la chair » . Je n'aurai garde d'oublier que les rôles secondaires d'Annie Girardot (Le Rouge est mis, Maigret tend un piège) ne sont pas mineurs) ; mentionnons uneapparition de Martine Carol dans Le Cave se rebiffe,un film qui voit le retourd'une presque star d'avant-guerre :Françoise Rosay (La Kermesse héroïque) épatante en vieille indigne et qui se spécialisera dans ce rôle pour la dernière partie de sa longue carrière (premier film, muet, en 1911, quand elle avait vingt ans le dernier en 1973, quand elle avait dépassé les quatre-vingts) ; last but not least, n'oublions pas la grande Simone Signoret, sa partenaire dans un de leurs plus grands films, Le Chat. Fun facts rapportés par le metteur en scène Granier-Deferre : Gabin craignait un peu Simone ; il l'avait demandée comme protagoniste, appréciant ses qualités d'actrice, mais il considérait avec un scepticisme  goguenard ou un peu inquiet ses engagements à gauche, et il craignait qu'elle ne l' «emmerde » avec sa propagande politique » ; entre deux scènes, Simone faisait tranquillement ses mots croisés et tout s'est déroulé sans anicroches ; le chat, en bon chat, au lieu de faire ce qu'il était censé faire (fuir Signoret et aller vers Gabin), persistait à faire le contraire.

 

Quelques livres, quand même

Florence Moncorgé Gabin : Quitte à avoir un père, autant qu'il s'appelle Gabin. J'ai pas lu, mais j'adore le titre.
Jean Gabin (avec Sébastien Gimenez) : Maintenant je sais.
Gilles Grangier : Au-delà de la Loire, c'est l'aventure. Pas le plus coté des réalisateurs français, mais un très bon, même s'il s'est raté parfois - assez rarement, en fait ce petit bouquin est plein de récits délectables sur le cinéma français et on y voit Gabin, mais pas que : Harry Baur, Carette, Dalio, Audiard, etc.

Des bios, il y en a plusieurs, mais je sais pas laquelle recommander, j'en ai lu aucune.

L'exposition

« Jean Gabin. L'exposition » (jusqu'au 10 juillet 2022 à l'espace Landowski - 28, avenue André-Morizet - Boulogne-Billancourt).



[1] Je sais, il y en a neuf.

[2] Qu'on peut aussi classer dans les nanars selon l'humeur.

[3] Ça, c'est mon coup de chapeau à l'ami Loïc, grand fan du Stade toulousain, grand lecteur de romans policiers et propriétaire avec sa femme Céline de la meilleure fromagerie du faubourg : Fernin - 204, rue du faubourg Saint-Martin. Tél. : 09 88 01 74 49. C'est aussi pour Brassens qui accepta une fois à par amitié pour mon père de quitter sa retraite estivale de Sète pour venir jouer dans les arènes de Fontvieille au profit de « la galette des vieux » Moi mon colon, celle que j'préfère, c'est la guerre de 14-18 !

[4] Mon ami Ouiqui m'indique qu'après des débuts audacieux (son film Patrouille de choc, inspiré par son expérience de reporter de guerre en Indochine, a été menacé par la censure, et le suivant Les Tripes au soleil, consacré au racisme, longtemps interdit), il a rencontré des difficultés : dans les années 1970, il a surtout réalisé des films pornographiques sous le pseudonyme de Burd Tranbaree, mais je n'ai pas vu Les Mémoires de monsieur Léon, Maître fesseur, Excès pornographiques, Prouesses porno ou Sarabande porno,pas plus que Les Jouisseuses, Cuisses infernales et Infirmières très spéciales. Contrairement à ce que son titre semble indiquer, Le Dernier Coït n'est pas un film porno apocalyptique, mais une adaptation de Chase ; quant à son denier projet, inachevé, La Jonque chinoise, je ne sache pas que Lino Ventura, son acteur principal, qui n'embrassait pas à l'écran, se soit embarqué en fin de carrière dans un film de cul ; d'ailleurs il n'est pas mort d'une épectase.

[5] Rien vu de lui non plus de lui, mais il a au moins un point commun avec M. Bernard-Aubert, il a réalisé un Monsieur Léon, avec le même Michel Serrault, qui n'est pas maître fesseur, mais médecin et résistant. M. Boutron est le réalisateur de la série Florence Larrieu : le juge est une femme, dont je n'ai vu aucun des treize épisodes, pas plus de sa suite Alice Nevers : le juge est une femme ;no comment non plus sur Les Étonnements d'un couple moderne, un téléfilm de 1987 qui a obtenu le 7 d'or du meilleur téléfilm. Sur ce thème, nul doute de M. Bernard-Aubert, alias Burd Tranbaree, eût réalisé une oeuvre que ni Télé 7 jours, ni Télérama n'eussent songé à primer - et qu'aucune chaîne, sauf peut-être le Canal Plus des origines, n'eût envisagé de diffuser.

[6] Toutes les références aux mollets sont dédiées à mon pote peuthe « Cap'tain Denis », fondateur de la « mollettologie »

[7] La toujours vigilante Malcampo me signale que j'omets de signaler que c'était avant la guerre civile, quand Franco commandait les troupes espagnoles au Maroc. Ajoutons par égard pour Duvivier qui n'était pas de gauche, mais pas facho, que si déjà Franco ourdissait son coup, le réalisateur ne pouvait le savoir et remerciait simplement le général pour avoir facilité son tournage.

[8] Quoique? elle avait déjà tourné cinq ou six films, dont Poui-Pouic, avec de Funès.

[9] J'ai ajouté l'occupation principale du personnage.

[10] Adaptant les fonds de Gorki, Renoir les a transposés en France, mais, peut-être à 'initiative de son co-adaptateur le génial émigré Zamiatine, il a conservé aux personnages les noms à consonance russkoff.

 Ainsi Jany Holt  est-elle Nastia la prostituée, Suzy Prim Vassilitatilieva  et Maurice Baquet Aliocha le fou accordéoniste. Robert Le Vigan, Jésus dans Golgotgha, est un acteur alcoolique innommé. Noter le passage, en promeneur, du réalisateur Jacques Becker, assistant et ami de Renoir.

[11] Audiard n'utilisait pas que les mots de Gabin et ses manières pour écrire ses personnages. C'est sûrement en pleine connaissance de cause qu'il a emprunté le prénom du père de l'acteur, l'artiste de music-hall Ferdinand Moncorgé.

[12]  Il faut bien Sandra Bullock pour tenir toute la durée de Gravity


FIN DE SURVEILLANCE

 

Il en est des livres qu'on a publiés comme des actes de la vie. Si l'on fait son examen de conscience, on dit à la vérité de dire que si l'on accepte tout, l'on n'est pas forcément fier de tout.

 

La mort de Vesselin (Vesko) Branev me donne l'occasion de me rappeler à quel point, grâce à notre ami commun Tzvetan Todorov, j'ai été heureux de contribuer à l'édition française de son livre « L'homme surveillé ».

 


LE VRAI BARRAGE

LK, vieille amie et fidèle lectrice, notant la tonalité tristounette de mon dernier post, me raconte une histoire qui nous rassérène.

Arrêt d'autobus mairie du XIXe (je la connais bien, c'est celle que mon grand-père a libérée en août 1944). Ce n'est pas l'heure de pointe, LK monte dans le bus en même temps qu'une dame africaine qui porte un bébé et demande à son petit garçon d'aller s'asseoir à la place libre à côté de LK. Physique Kirikou ; comme il est petit, LK l'aide à monter sur le siège et la conversation s'engage entre elle et Ismaël (sept ans). Le bus longe le parc des Buttes-Chaumont, Ismaël semble rêveur ; puis il se tourne vers LK et observe : « As-tu vu comme ces fleurs blanches sont belles ? » s'ensuit une discussion sur les fleurs blanches, les fleurs rouges, celles qui poussent dans la terre, celles qu'on voit aux arbres. Échange d'informations biographiques : Ismaël annonce qu'il « travaille ». Éclaircissement : il travaille à l'école - et bien, ce que LK avait déduit de sa façon de parler.

Il y a des moments où l'on se réjouit que la bonne vieille école de la République soit encore capable de donner à un petit Malien haut d'à peine un mètre (son obsession c'est de devenir grand, très grand, comme son papa) les moyens d'exprimer ainsi son émerveillement printanier.

Si Mme Le Stylo du Front national remporte les prochaines élections - ce qu'à Dieu ne plaise - et qu'elle cherche noise à Ismaël et sa famille, LK est prête à faire barrage ; elle peut compter sur moi en renfort.

Sur ce, follohoueurs, follohoueuses, comme disait l'excellent Philippe Meyer pour conclure sa chronique France-culturelle : « Le Ciel vous tienne en joie ! »


OFFICIEL : LES CASTORS SONT DE RETOUR

Follohoueurs, follohoueuses, en vérité je vous le dis, que ça vous fasse plaisir ou non, c'est comme ça : avec la montée en puissance silencieuse du Front national,[1] il est inévitable que les castors fassent leur retour.

Qui sont les castors ? me demanderont les innocents.
C'est très simple : ce sont ceux, de droite ou de gauche, qui à chaque fois que le FN monte d'un cran, nous invitent à oublier nos différences d'opinions ou nos détestations personnelles et à « faire barrage ».

Sur la longue durée, on ne peut pas dire que les castors aient été très efficaces : en 2002, M. Jean-Marie Le Pen recueillait 16,86 % des voix au premier tour, déclenchant une sorte de panique à travers l'échiquier politique. En 2022, après vingt ans d'activité des castors, sa fille Marine en obtenait plus de 23 %, score qui dépassait les 40 % au deuxième tour. Rappelons que ce score historique, malgré un mode de scrutin défavorable, a été suivi de l'élection au Parlement de 89 députés frontistes

Comme depuis lors, le Front et sa cheffe n'ont à peu près qu'à la boucler pour monter dans les sondages, il est certain que, mettant en pause leur habitude de se déchirer entre eux, les castors de gauche et de droite vont se réactiver et nous proposer, une fois encore, de « faire barrage ». Pour vous éclairer, ci-dessous ma typologie impressionniste de la galaxie castorienne qui comprend deux nébuleuses : les castors de gauche et les castors de droite.

Les castors de gauche et de droite ne s'entendent à peu près sur rien sauf leur détestation commune du Front ; le problème est qu'ils détestent presque autant, si ce n'est plus, le président Macron qui pour son élection leur a forcé la main en les contraignant à voter pour lui, alors qu'ils n'en avaient aucune envie.

À propos de détestation, les castors de gauche et ceux de droite se détestent à l'intérieur de leurs camps respectifs peut-être avec plus d'intensité émotionnelle qu'ils ne détestent l'autre camp : qu'il s'agisse de rivalités de personnes ou de querelles idéologiques, ils rencontrent d'extraordinaires difficultés à se mettre d'accord sur le mode de construction du barrage.

À gauche, les socialistes se méfient des communistes qui les méprisent et se rebiffent devant la tendance hégémonique de LFI ; entre LFI  et cocos, il existe des divergences importantes doublées d'insupportations réciproques ; entre écolo-féministes et islamo-gauchistes, les écolos, qui  poussés par les vents mauvais  du changement climatique devraient déjà être le premier parti de France, se débrouillent pour se déchirer en interne chaque fois qu'ils refont leur « unité ».

À droite, la « droite dure » accuse la « droite molle » ne pas s'assumer de droite et lui mijote un procès - celui d'être prête à pactiser avec Macron ; parallèlement, les modérés rétorquent avec bon sens aux « durs » qu'il est inutile de s'opposer au Front si l'on adopte ses thématiques, ses idées, son programme à peine ripoliné ; entre les deux vogue le peu ragoûtant M. Bertrand, opportuniste sans foi ni loi qui me donnerait envie d'aller à la pêche un dimanche d'élection - et la dernière fois que j'ai pêché c'était il y a soixante ans, j'en avais sept.

J'aimerais qu'un(e) candidat(e) de droite ou de gauche ou du centre me donne des arguments non castoriens de voter pour lui/elle mais j'y crois pas des masses. Comme croire au pire ne me procure aucune satisfaction, même morose, je sais d'avance que dans quatre ans (ou avant si ça se trouve) je me laisserai convaincre par un castor ou un autre - sauf  si c'est M. Bertrand, auquel cas j'irai peut-être bien vérifier si mes talents de pêcheur ont subi une inexplicable amélioration (à la pétanque je ne suis pas pire qu'avant mon AVC), rejoignant de facto le vaste camp des foutistes, le premier parti de France, ceux qui pensent que tout ça c'est canailles et compagnie - et après tout, le Front ou autre chose ? qu'est-ce que ça changera vraiment ?

Je crains la victoire du Front car sans nécessairement mener au pire (la guerre civile toujours prête à se rallumer, j'aime pas, rien ne m'indique que sa victoire puisse porter autre chose que plus d'intolérance, de démagogie et d'incompétence dans mon pays et en Europe.

Si elle se produit (probable je ne sais pas, mais très possible), il y a aura une gueulante des castoriens qui se vilipenderont entre eux d'avoir même pas été foutus de fabriquer un barrage décent. Certains foutistes diront comme les Brexiters britanniques « mais on n'avait pas voulu ça ! » 

Ce qui arrivera ? les « bavures policières » seront requalifiées « légitime défense » et leurs auteurs décorés, les impôts augmenteront pour ceux qui les paient déjà (les grandes fortunes qui ne les paient déjà pas continueront à ne pas les payer). Et après, comme chantait Brassens : « Chacun sa bonbonne et courage ! »

Oui, follohoueurs follohoueuses de mon coeur, comme vous le constatez, l'optimisme, la joie et la bonne humeur règnent.



[1] Ma fidèle Malcampo me rappelle que ce parti se dénomme désormais Rassemblement national, ce qui ne m'avait pas échappé mais ça doit être le « tradi » en moi - je continue à dire Front, car le Front c'est le Front, nom de nom !


LE SENS DES SYMBOLES

Je l’avoue d’emblée, follohoueurs, follohoueuses de mon cœur, je n’ai pas lu le projet de réforme des retraites proposé par le gouvernement et me trouve donc dans l’incapacité de formuler un jugement informé à ce sujet.

S’agit-il de la grande et courageuse réforme qui marquera le deuxième quinquennat de M. Macron ? d’une potion amère, mais nécessaire ? d’un coup de plus du « président des riches » pour promouvoir la « casse sociale » dont il s’est fait le héraut ?

À part ça, j’écoute et je regarde – pas trop, sinon on devient dingue ou abruti, comme un de mes pauvres vieux camarades (99 ans) qui passe ses journées devant les chaînes infos.

Lorsqu’un ministre commence une phrase par « c’est simple » puis s’embrouille, je m’inquiète de déceler un symbole d’amateurisme dans la préparation d’un projet majeur dont la version précédente était si mal ficelée et a généré tant d’hostilité qu’elle a dû être retirée.

Lorsque le jour de la première grande grève, le président remet discrètement à l’Élysée la Légion d’honneur à Jeff Bezos, pas besoin d’être un « nupiste » jusqu’au-boutiste pour y voir un symbole de la déférence devant les puissants de ce monde tandis que les « misérables » défilent. C’est d’ailleurs pendant une nouvelle journée de manifestations que notre président a choisi d’honorer Gisèle Halimi, peu consensuelle figure du féminisme français. Symbole, oui, mais de quoi ? d’une véritable reconnaissance des femmes comme actrices dans la société ? ou d’une manipulation de plus ?

Lorsque le Sénat vote la fin des « régimes spéciaux », sauf le sien, comment ne pas y voir le symbole méprisant de nantis accrochés à leurs privilèges qui, en toute bonne conscience, suppriment les minces avantages acquis de haute lutte par de plus faibles qu’eux. Je repense à ce vieux film italien où un richard explique en substance à son potentiel gendre (Tognazzi ? Gassman ? Manfredi ?) : « Vous les pauvres, vous avez beaucoup plus de chance que nous, les riches, parce que vous êtes solidaires et tout le monde vous plaint alors que nous, les riches, nous sommes seuls et tout le monde nous déteste. »

Lorsqu’un député nupiste pose un pied vengeur sur un ballon à l’effigie d’un ministre, comment ne pas y voir le symbole d’un fantasme d’écrasement ?

Lorsqu’un autre ministre répond à un rappel de faits le concernant par un bras d’honneur, comment ne pas songer au symbole de la dégradation d’une fonction autrefois exercée avec noblesse par un Edmond Michelet, un Robert Badinter ou une Christiane Taubira ?
Il est vrai – autre symbole – qu’avant sa nomination, ledit ministre était un avocat connu pour son choix de clients dans les milieux du grand banditisme et ses déclarations virulentes à l’égard de la magistrature qu’il est aujourd’hui chargé de représenter. On préférerait pour le même personnage s’attacher aux symboles de sa biographie, celle d’un fils d’ouvrier métallurgiste, brillant élève qui finance ses études en exerçant divers métiers comme fossoyeur ou maçon. Caramba, encore raté !

Lorsque le gouvernement, incapable de trouver une majorité, recourt une fois de plus au fameux article 49-3 de la constitution permettant d’adopter un texte sans vote, fait-il de son mieux face à une situation politique et sociale délicate, ou bien décide-t-il d’ignorer délibérément la voix de la Nation ?

Et notre président ? Lorsqu’il refuse de recevoir les leaders syndicaux, est-ce le symbole de « l’homme au-dessus de la mêlée » ou celui du mépris ?

Comme autrefois M. Giscard d’Estaing, au moment de son élection symbole de jeunesse et de renouvellement, achèvera-t-il les dernières années de son mandat sous les insultes, symbole d’une « élite » de privilégiés élus du peuple, mais coupés de lui ? Ou bien parviendra-t-il (mais comment ?) à incarner le symbole du courage réformateur ?

Si cela n’était source d’inquiétude et de chagrin, on sourirait de penser que son héritière présomptive, Mme Le Pen, se présente comme parlant au nom du peuple alors qu’elle est titulaire (en bonne partie par héritage) d’un important patrimoine immobilier.

En attendant, les ordures s’entassent dans bon nombre d’arrondissements de Paris. Après quelques semaines de grève des éboueurs, le symbole de la Ville lumière va-t-il devenir celui de la « ville poubelle » ?


BEAU ET CON À LA FOIS

Un article récent du New York Times a démoli Avatar 2, la suite tant attendue du méga son et lumière de James Cameron, dénonçant son exploitation marketing éhontée des thèmes écologiques à la mode. Pourquoi tant de haine ?

J'avoue avoir passé les deux premières heures du film hypnotisé par la beauté de ses images et abasourdi par la puissance du son (Imax 3D, avec mon ami John on avait décidé de mettre le paquet). Certes, fort de ses succès antérieurs au box-office, M. Cameron a bénéficié de moyens colossaux, mais on connaît, de ces gros budgets d'où ont émergé des films à peine regardables. Or comme tant de cinéastes avant lui, comme Méliès, comme Abel Gance, comme Walt Disney, M. Cameron innove à chacun de ses films de façon spectaculaire. Ayant inventé numériquement les personnages et les décors forestiers de la planète Pandora dans son premier opus, il a investi toute son imagination dans la création des décors marins du deuxième. Il s'éclate toujours autant à imaginer de méchantes machines maniées par de méchants humains, mais n'a pas moins d'affection pour ses créatures bleues à longue queue, leurs cousins plus verdâtres des bords de mer, et les poissons, étoiles ou anémones de mer, au milieu desquels ils se meuvent. Il y a de superbes poissons volants et vers la fin on ne peut pas ne pas tomber amoureux du tulkun, avec sa queue de baleine, ses grandes dents, sa riche matière grise (dorée, plutôt), objet de l'avidité de vils trafiquants et son oeil sanguinolent.

Les cinéphiles apprécieront, ici et là, les références visuelles du réalisateur, qui cite assez subtilement tous les classiques du genre, les Moby Dick,les Vingt mille lieues sous les mers, Les Dents de la mer, sans négliger Star Wars. L'interminable duel final entre le gentil ami des Bleus Jake Sully et le crès crès méchant colonel Quaritch rappelle certains classiques du film de guerre, et surtout du western, sauf que son décor est le pont d'un navire de guerre, et non la main street d'une ville de l'Ouest. Je ne vous spoile pas l'issue surprenante du duel. Sachez seulement, follohoueurs, follohoueuses, que Cameron a déjà le 3 et le 4 en route.

À part ça, les rageux peuvent toujours pointer la lourdeur des dialogues, la banalité des « valeurs »  (la famille, y a rien de mieux) et l'enfonçage de portes ouvertes des messages (l'avidité humaine c'est mal, science sans conscience n'est que ruine de l'âme, aimons-nous les uns les autres jusque dans nos différences, la nature c'est beau et il faut la défendre) -, voire le caractère asexué de personnages semblant à ce point démunis d'organes génitaux qu'on se demande comment ils font pour fabriquer tant d'enfants.

Si on pouvait donner un conseil au réalisateur, ça serait de couper un peu plus au montage : 3 h 10 c'est quand même longuet et il y a, surtout après le duel susmentionné, quelques scènes séquence émotion familiale qui ne s'imposaient pas.


L'ÉPREUVE DU CRUNCH

Non, follohoueurs, follohoueuses, vous n'avez pas été redirigés sur le site de L'Équipe et il ne sera pas question de l'affrontement classique annuel du rugby entre Anglais et Français.

Ma fréquentation des stades de baseball états-uniens m'a fait découvrir un fait historique ignoré : nos amis américains ont dû subir d'atroces périodes de famine, car ils ne ratent pas une occasion de se rattraper : pas un ne prend sa place sans son maxi-gobelet de soda accompagnant son seau de pop-corn : au baseball, c'est entre deux manches qu'on repart aux provisions, au cinéma c'est pendant le film, surtout s'il est long (hier soir Avatar 2 ; 3 h 10 c'est  quand même beaucoup, j'y reviendrai une autre fois). Résultat : impossible de voir un film sans être accompagné par un concert de crunch-crunch et de slurp-slurp ; quoique couverts par le gros son, ces bruits parasites se débrouillent toujours pour se glisser sournoisement par en dessous. De ce phénomène j'ai lu l'explication fournie par le brillant M. Yuval Noah Harari dans son excellent Sapiens et je ne suis pas satisfait. Selon lui, en substance, il y aurait quelque chose de préhistorique dans cette tendance à se jeter sur la bouffe. Notre ancêtre passant devant un figuier ne procédait pas à un raisonnement logique qui l'aurait amené à manger quelques figues, les plus mûres, pour rassasier sa faim et à en conserver dans sa besace un certain nombre pour plus tard. Ignorant quand il verrait un autre figuier ni si celui-ci serait chargé de fruits, il se gavait.

L'explication de M. Harari est séduisante et me rappelle la maxime de mon légendaire grand-oncle marseillais Aristide : « Quand c'est bon, ça ne me dérange pas qu'il y en ait beaucoup. » La théorie Harari se heurte pourtant à quelques obstacles. Trois me viennent à l'esprit :

  1. Pourquoi l'États-Unien moyen serait-il plus préhistorique que les autres humains ?
  2. Pourquoi, à la différence d'Aristide, qui entre nous, ayant mis en application sa devise avec constance, a été tôt arraché à l'affection de ma grand-tante Juliette, l'États-Unien se bourre-t-il de préférence avec ce qui est dégueulasse ?
  3. Même en faisant la part de l'irrationnel et du primal, le même États-Unien,  être avancé, élu de Dieu, miracle du progrès, n'a-t-il pas remarqué, depuis le temps, que chez lui il y a à bouffer les cochonneries qu'il affectionne absolument partout ?

Malgré ces objections je ne saurais trop recommander la lecture de l'ouvrage qui a fait la notoriété mondiale de M. Harari.

Référence

Sapiens, de Yuval Noah Harari, est disponible dans la collection Le Livre de Poche, de même que ses deux autres ouvrages, Homo Deus, et 21 leçons pour le XXIsiècle (traduits de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat). Parfois contestables, les points de vue de cet historien sont toujours stimulants.


THE GOOD GUYS AND THE BAD GUYS

De nombreux films (de cow-boys, entre autres) vus à la télé dans l'enfance nous ont enseigné que dans la vie il y avait les bons (nous) et les méchants (les autres). Que les choses soient en réalité un peu plus compliquées est une découverte parfois douloureuse. Et pour nous accompagner, certains films, certaines séries nous entraînent vers cette zone grise de nos propres ambiguïtés.
Ces réflexions (et quelques autres) m'accompagnent alors que je débute le deuil d'une de mes séries favorites de ces dernières années : Better Call Saul.

À la différence du personnage central de Breaking Bad, la série dont Saul est dérivée, Jimmy McGill/Saul Goodman est aussi immonde qu'attachant. Pendant deux saisons complètes (ou presque), nous voulons croire qu'il s'agit d'un « bon gars » maltraité par son grand frère et qui se démène pour s'en sortir avec les moyens du bord. Certes son code moral est au-delà de l'élastique, mais il est drôle, fragile et déploie l'aisance d'un Arsène Lupin moderne à se tirer de tous les mauvais cas où il se met. De plus, Kim, son amoureuse, est dotée des plus charmants mollets de toutes les séries ; pour compléter le tableau, l'associé de son frère est un blond aux yeux bleus parfaitement détestable et le frère lui-même, génie du droit certes, est non seulement un malade mental ultra-zarbi, mais un psychorigide n'ayant aucune reconnaissance pour ce pauvre Jimmy qui se démène pour lui.

Avec les saisons, notre sentiment se nuance d'un trouble croissant, car Jimmy se révèle une espèce de salopard sans foi ni loi tandis que sa chérie, hors ses délectables mollets, nous dévoile un côté décidément pas net : le grand blond qu'on voudrait croire une espèce de nazi n'est après tout pas si salaud que ça, et les blagues montées par Jimmy et Kim, que nous trouvions bien rigolotes au début, nous apparaissent sous un jour plus sinistre.

Plus Jimmy trempe dans le crime et les coups tordus, plus il nous offre un miroir moral, car il a beau nous révolter à bien des moments, nous sommes de son côté envers et contre tout - oui, presque. Même si nous comprenons Kim (spoiler alert : si vous n'avez pas vu la série, ne lisez pas ce qui suit) de le quitter, nous lui en voulons un peu, tout en constatant que, pour une fois, le personnage féminin est aussi central que le protagoniste masculin - enfermée dans d'impossibles contradictions, tricheuse et courageuse, tordue et généreuse, au coeur de ce Crime et châtiment moderne, la dimension religieuse en moins, elle est celle qui ne lâche rien et que nous admirons, plus que le Slippin' Jimmy qui dort en nous. Sachant qu'il n'y a pas de good guys dans cette série, à une ou deux exceptions près (Manuel, le père d'Ignacio « Nacho » Varga), dans cette collection de criminels, nous distinguons entre ceux que nous adorons détester parce qu'ils sont trop méchants (Lalo et Hector Salamanca) et ceux à qui nous passons tout en dépit de leurs crimes (Nacho, Gustavo Fring le « Pollero » dealer, Mike le tueur au coeur tendre qui entre deux « contrats » emmène sa petite fille faire de la balançoire).

P.-S. Il faudrait pour écrire une véritable histoire du mollet féminin au cinéma faire des recherches que je n'ai pas le courage d'entreprendre. Quelques souvenirs émouvants : Ann Bancroft dans Le Lauréat, Katharine Ross dans Butch Cassidy et le Kid, Rita Hayworth dans Gilda, Marilyn Monroeen général ; Monica Vitti dans Le Cri et La Nuit (L'Avventura,non merci), Jeanne Moreau dans La Nuit, Jules et Jim et Ascenseur pour l'échafaud ; Jeanne Moreau et Brigitte Bardotdans Viva Maria !, Maggie Cheung dans In the Mood for Love. Je m'arrête là, chacun sa liste personnelle et côté hommes, il y a sûrement des amateurs/trices mais c'est moins mon truc.

Référence

Better Call Saul, six saisons sur Netflix. Pour Breaking Bad (les deux séries se « croisent » dans les saisons 5 et 6de Saul), je reconnais que le pilote (épisode 1, saison 1) est absolument génial, mais j'ai craqué au bout de deux saisons : vivre dans la tête de « M. White », c'est horrible et son acolyte Jesse Pinkman est vraiment trop dégueulasse à mon goût.


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