Antoine Audouard

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DOMMAGES COLLATÉRAUX


Le plus grave de l'agression de Poutine contre l'Ukraine, sont les victimes et les destructions.
En marge de sa réaction militaire et de sa campagne mondiale de relations publiques, je note dans la réaction nationaliste de l'Ukraine un détail qui n'en est pas un : dans un désir de « dérussification » , on déboulonne la statue de quelque général soviétique, no comment ;  autre chose est de débaptiser une « rue Pouchkine » et le « conservatoire Tchaïkovski » de Kiev, une académie musicale plus que centenaire à la fondation de laquelle le musicien avait contribué, avec le compositeur Alexandre Glazounov et son élève Sergueï Rachmaninov. Que l'empreinte culturelle russe sur des terres aille bien au-delà des frontières de la Russie n'est en rien un argument pour l'annexion ou la sujétion de ces terres ; la nier est une absurdité et la certitude d'un appauvrissement, d'un rétrécissement intellectuel pour les Ukrainiens eux-mêmes.

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ABUS DE LANGAGE


ça c'est de la (vieille) balle

 

Follohoueurs, follohoueuses, laboureurs, laboureuses, travailleurs, travailleuses, feignassous, feignassoutes, j’ai besoin de vous.

J’ai, comme les plus anciens d’entre vous ne l’ignorent pas, lancé une grande campagne nationale destinée à restreindre l’usage du mot « tuerie » à son sens premier, celui du massacre d’êtres vivants (humains ou animaux). Or cette campagne ne décolle absolument pas et je continue à entendre pas mal de monde – des amis, même – s’écrier « c’est une tuerie ! » pour dire « c’est délicieux, exquis ! » À mes amis juifs qui l’emploient, je signale qu’ils seraient à juste raison profondément choqués si pour désigner le comble du délice on disait « c’est une véritable Shoah ! ».

Sans vouloir jouer les « mécontemporains » à la Finkielkraut, je crois me souvenir que ces dégoûtantes dérives langagières ont débuté avec des expressions dont il fallait, au siècle dernier, quand j’étais un « homme mûr », m’expliquer le sens et qui sont devenues courantes : « c’est de la balle » ou « c’est de la bombe ». J’aurais dû m’insurger plus tôt : « Mec, une balle tue, une bombe aussi, et moi ça me coupe l’appétit » (alors, une tuerie ! ça ne donne faim qu’aux nazis, serial killers, snipers et autres tueurs professionnels).

So, follohoueuses, follohoueurs de mon cœur, si vous êtes d’accord avec moi, help ! à l’aide, il n’est peut-être pas trop tard, relayez cette campagne dans vos familles, chez vos amis et sur vos rézosocios. Pour raisons d’efficacité, tâchez de vous limiter à cette expression en évitant d’y adjoindre toutes celles qui vous agacent.

Une remarque personnelle pour établir que la mort et mon estomac ne font pas bon ménage (j’aime pas les enterrements, mais le pire c’est le repas d’après-enterrement, sauf celui de mon père, car là c’était rigolo : mes alors quatre enfants s’étaient assis à côté de mamans qui n’étaient pas les leurs et mon Hélène, du haut de ses sages et timides quatorze ans, expliquait à un vieil ami de mon père qui n’y comprenait rien quel enfant était à quelle maman).

Bref, quand c’est vraiment très bon, je n’utilise pas « c’est à mourir », mais il s’agit d’une préférence personnelle et si certains choisissent de mourir à l’issue d’un merveilleux repas, je leur laisse ce privilège. Tenté par la devise de mon légendaire grand-oncle Aristide (« quand c’est bon, ça ne me dérange pas qu’il y en ait beaucoup »), je me modère, car je n’aime pas l’idée de mourir d’avoir trop mangé.

Référence

Côté meurtre et appétit (avec recettes de riz sauté incluses), je n’ai qu’un livre charmant à recommander : Le sniper, son wok et son fusil, de Kuo Li Chang, traduit du chinois (Taiwan) par Alexis Brossolet (357 pages, Série Noire Gallimard)

 

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